Ardenza
5.9
Ardenza

Documentaire de Daniela de Felice (2022)

Pour illustrer des souvenirs nébuleux, le cinéma est toujours meilleur lorsqu’il se détourne des représentations frontales ; on pense notamment à Rithy Panh, dont une bonne partie de la filmographie s’acharne à trouver des façons innovantes d’immortaliser le passé. Dans un geste similaire, Daniela de Felice utilise le dessin à l'aquarelle et les films d'archive pour aborder une double ébullition de sa jeunesse passée : sexuelle d’une part, politique de l’autre.


Sur le papier, Ardenza n’a rien de plus que les autres films romantico-politiques gauchistes, mais il se démarque par la justesse de son dispositif. Les dessins à l’aquarelle, qui peuvent exaspérer dans un premier temps tant ils font bobos, prennent tout leur sens lorsque la narratrice dévoile son absence de sentiment romantique lors de son initiation sexuelle, le trait aléatoire et les visages blasés illustrant ces souvenirs contrastés à la perfection. Les images d’archive sont quant à elles voilées par d’étranges textures qui, mélangées au grain de la pellicule, rendent certains visages illisibles comme s’ils avaient été oubliés. Le film est généreux formellement car le dispositif varie régulièrement ; la voix off se voit par exemple remplacée par une simple respiration sur une succession de dessin représentant une relation charnelle, non-dit au potentiel érotique infini.


Malheureusement, si le récit de l’initiation sexuelle est assez convaincant, celui de l’engagement politique ne dépasse jamais le stade du discours nostalgique gauchiste un peu cliché, malgré le très beau passage sur la jeune Christina. De plus, le dispositif est si délicat que le film peine à monter en puissance car il reste toujours sur le même ton. La scène d’introduction laissait pourtant supposer une certaine noirceur, mais la mort de la narratrice est malheureusement absente de la suite du récit. Malgré tout, il y a une certaine beauté derrière cette douceur amère qui n’est pas sans rappeler Chantal Akerman ; Ardenza ne manque pas de charme ou d’intelligence, mais juste un peu d’intensité.


Site d'origine : Ciné-vrai

Contrastes
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Visions du réel 2022

Créée

le 13 avr. 2022

Critique lue 75 fois

Contrastes

Écrit par

Critique lue 75 fois

Du même critique

Strange Way of Life
Contrastes
3

Soudain le vide

Il y a quelques années, Saint Laurent se payait les marches du Festival de Cannes en co-produisant Lux Æterna de Gaspar Noé, coquille vide qui permettait néanmoins à la marque de s’offrir un joli...

le 17 août 2023

24 j'aime

Unplanned
Contrastes
1

Propagande pure et dure

Même en tant que rédacteur amateur d’un blog à très faible audience, décider de consacrer un article à Unplanned est loin d’être anodin : dénoncé depuis plus de deux ans comme un nanard de propagande...

le 16 août 2021

14 j'aime

2

Knit's Island - L'île sans fin
Contrastes
8

L’ère de l’imaginaire

Les gamers le savent, un serveur peut fermer à tout instant et les joueurs se déconnecter à jamais du jour au lendemain. Les civilisations laissent des traces, les familles abandonnent des photos. À...

le 27 avr. 2023

11 j'aime