Sur fond de politique, avec ses intimidations, trafics d’influence et manipulation, Argentina, 1985 met en scène le grand procès de la dictature militaire et de ses représentants (lieutenants, colonels, …) ayant orchestré non seulement une répression féroce des contestataires mais tout bonnement leur élimination – des milliers d’Argentins en furent victimes.

Explorant les plus hautes sphères du pouvoir, comme dans El Presidente, mais de manière moins frontale, le cinéaste S. Mitre essaie toujours de joindre l’utile à l’agréable, c’est-à-dire dénoncer un pan de l’Histoire tragique de son pays, effectuant ainsi un devoir de mémoire, sans toutefois ennuyer son public. En effet, outre l’usage de rock argentino ochentero dynamisant à de certains endroits le récit, Mitre n’hésite pas à recourir à des effets émotionnels (avec justesse, comme avec ce récit dans le récit de la femme accouchant dans la voiture de police, ou avec un certain sens du pathos avec cette musique finale faisant pleurer les violons et accompagnant le discours du fiscal) ou à édulcorer la teneur fortement juridique et politique du procès afin de ne pas perdre son auditoire – conseillé peut-être par son fils, à l’image du fiscal qui corrige l’image du pouce néronien, trop pompeuse et incompréhensible pour le commun des mortels.

Si bien que le résultat peut sembler parfois assez inégal et incomplet. Les menaces de morts et les pressions subies sont peu abordées, alors qu’elles étaient le quotidien du fiscal et du fiscal adjoint ; le travail de l’équipe est assez minorisé ; les cigarettes présentes jusqu'à l'intoxication ; enfin il demeure une impression générale de manque de profondeur et de complexité, au contraire de Paulina, réalisé aussi par Mitre.

Toutefois, le plaisir est sans aucun doute là. Certaines répliques sont vraiment drôles (nous pensons entre autres à celle dans les toilettes avec l’image du cul correctement torché), l’épouse conseillère de l’ombre et du fils espion sont de bonnes trouvailles et le suspense est intelligemment maintenu dès le début (- Papa tu sais qu’on peut te tuer ? - Oui. – Mais peut-être que non. – Non).

Un film plaisant et modestement intelligent.


Marlon_B
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le 4 nov. 2022

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