Sur un sujet vrai, le nouveau film de Ben « Lexomil » Affleck s’empare de deux mondes dans une autre époque, le cinéma et l’espionnage dans les années 70. Le générique d’ouverture, un modèle du genre, permet de résumer en quelques plans la situation politique en Iran et surtout le contexte enflammé au moment des faits, l’idéal pour les néophytes en politique étrangère. D’ailleurs on soulignera avec délectation l’utilisation de bulles de bandes dessinées rappelant avec nostalgie Méprise multiple (si ça se trouve, ce n’est que moi). S’ensuit une scène tendue où le peuple iranien s’empare de l’ambassade américaine mettant en place les tortueux évènements à suivre.

Ce qui frappe le plus dans Argo, c’est son réalisme. Tout, absolument tout, respire les seventies que ce soient les décors, les voitures, les habits, les fringues, les lunettes ou les coiffures (on comprend mieux le budget). Ça a le mérite de renforcer l’impact du film et surtout son charme. Toutefois, on ne peut pas s’empêcher de penser au magnifique La Taupe sorti plus tôt cette année et supérieur à ce jeu d’ambiance. Argo souffre un peu de la comparaison avec ce dernier dans sa représentation du monde de l’espionnage, resté très basique dans le troisième long-métrage de Ben Affleck. Par contre, il bénéficie de l’ambiance hollywoodienne très « comédie » avec John « Shut the fuck up, Donny » Goodman alias John Chambers, l’homme qui a reçu un Oscar pour son travail de maquilleur sur La Planète des Singes et dont on le voit brièvement intervenir sur un film rétro, cousin éloigné de Flash Gordon. C’est aussi sur ce passage que se trouve les meilleurs répliques grâce à l’humour dévastateur de Goodman et Alan Arkin.

Pour Argo, Ben Affleck avait tenu à qu’il soit à la fois drôle et sérieux, il marque une rupture de ton au moment où la mission commence. Fini les échanges cyniques teintés d’humour mettant à mal Hollywood et place à une atmosphère sérieuse, presque scolaire (d’un pensionnat des années 50, pas des collèges de nos jours) car l’arrivée en Iran est une phase absolument glaçante voir même terrifiante rappelant l’anime Persepolis, pas étonnant vu que les deux se déroulent à la même époque et au même endroit. C’est un bon complément permettant de voir l’envers du décor. Bref, cette atmosphère digne des limbes permet de souligner le courage de cet agent de la CIA. C’est simple, c’est la mort assurée s’il se fait choper.

Malheureusement, personnellement cette phase coïncide aussi avec une baisse d’intérêt du film car la fin n’a aucune surprise, sérieusement la tagline « histoire vraie » tue tout suspens. Ça finit systématiquement bien, je vois mal l’intérêt de faire un truc sur ce sujet pour que tout le monde crève à la fin, c’est très antipatriotique et connaissant l’amour de la politique de Ben Affleck… Aussi les diplomates enlevés manquent cruellement d’intérêt n’étant qu’un groupe d’acteurs plus ou moins confirmés, grimés de façon à coller au plus près des vrais protagonistes (la fin permet de le vérifier). S’ensuit une succession d’évènements somme toute classique même si Ben Affleck réussit à leur insuffler une dimension parfois stressante. C’est surtout l’absence d’émotion qui se fait ressentir. Bryan Cranston y arrive au détour d’un plan avec les yeux baignés de larmes mais vu l’immense talent de l’acteur, ça ne compte pas.

Pour ma part, j’avoue ne pas avoir réussi à être impliqué totalement dans l’histoire, la faute à cette prévisibilité nuisant à l’originalité de cette mission. De plus, en toute franchise, le film dans le film Argo est plus un prétexte et est vite sabordé, j’étais un peu déçu par ce point. Néanmoins, c’est un bon moyen pour attirer le public avec une tagline excitante.

Ben Affleck a un putain de talent pour réaliser (un peu moins pour jouer, je trouve), ses films respirent le classicisme mais dans le bon sens. Ce n’est pas étonnant qu’Hollywood se l’arrache, on ne lui a pas proposé la JLA pour le fun et voir la liste de ses futurs projets force le respect. Ce n’est pas pour rien non plus que je l’appelle le Nouveau Eastwood. Mais il lui manque toujours ce projet qui lui donnera un chef d’œuvre indiscutable mais je ne m’inquiète pas, Affleck va y arriver, après tout Eastwood a mis longtemps avant de faire Impitoyable.
Marvelll
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le 16 oct. 2012

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Marvelll

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