L’écriture spiralaire du scénario, qui segmente son récit en chapitres thématiques dans lesquels la chronologie linéaire est bousculée, confère à Anoko wa Kizoku une certaine profondeur qui, il faut bien le reconnaître, paraît un peu artificielle. Une telle pulvérisation produit deux écueils : la convergence forcée de faisceaux qui, sinon, auraient eu besoin de davantage de temps et d’espace pour se croiser, l’attachement plus morcelé aux personnages qui évoluent dans les ellipses, hors-champs. Pour autant, elle permet de confronter différents points de vue et de tirer des solitudes représentées une même méditation sur les dysfonctionnements des couples forcés, contraints par le poids des traditions et le cloisonnement des classes sociales au sein d’une ville-fantôme, une Tokyo qui se donne des airs et s’affiche pour les Jeux Olympiques.


Le film tire à boulets rouges non seulement sur l’aristocratie convoquée dès son titre, mais également sur une société japonaise qui entretient les inégalités comme marqueurs d’appartenance à une communauté spécifique. Il montre alors la difficulté éprouvée par les personnages à interagir avec autrui en harmonie avec ce qu’ils ressentent : assumer la solitude comme seul remède viable aux mariages arrangés et donc dépourvus d’amour, quitte à ce que l’amour naisse plus tard, une fois la séparation prononcée, lors d’une clausule magnifique accompagnée du thème musical joué au violon. Enfin une œuvre qui, après avoir montré l’errance intérieure et physique de femmes égarées dans des modèles qui ne sauraient leur convenir, fait le choix de l’indépendance et d’un célibat synonyme de liberté ! Loin d’elle, et de nous, la romance nunuche alliant pour toujours deux prisonniers consentants !


L’originalité de la mise en scène tient justement à sa façon d’éluder les passages obligés, comme le premier repas au restaurant qui n’a d’utilité narrative que dans le décalage introduit entre deux mondes en cohabitation mais incapables de communiquer véritablement. Yukiko Sode signe un premier film très réussi : talent à suivre.

Fêtons_le_cinéma
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2022

Créée

le 18 avr. 2022

Critique lue 116 fois

2 j'aime

2 commentaires

Critique lue 116 fois

2
2

D'autres avis sur Aristocrats

Aristocrats
ocean_jogging
7

La sororité pour sauver son monde

Ici, nulles parties de chasse à courre portées par les musiques de Haendel ni échanges épistolaires sulfureux, en arrière coulisse. L’aristocratie n’est plus ce qu’elle était, si manifestement...

le 29 déc. 2021

14 j'aime

2

Aristocrats
Foudart
8

L’homme, les deux femmes et la ville aux contrastes

Les contrastes sont un aspect important de l’identité de cette ville. Non seulement ils se ressentent à travers les différents quartiers faits de petites maisons traditionnelles ou de gratte-ciel...

le 29 mars 2022

5 j'aime

Aristocrats
JehanneMerlin
7

La petite perle des Saisons Hanabi !

Un très beau film, qui réfléchit avec justesse sur l'entre-soi social et sur la façon dont il est vécu différemment par les hommes, par les femmes, mais aussi par les anciennes et nouvelles...

le 1 avr. 2022

5 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14