De ce qu'il nous reste comme souvenirs des personnages de "Army of the Dead" plus de six mois après sa sortie, celui de Ludwig Dieter, le frêle et surdoué allemand perceur de coffres-forts complexes, est sans doute le plus prédominant par son côté gentiment allumé et sympathique qui se faisait remarquer au milieu des gros bras et des zombies. Quelque part, il est donc presque logique de le retrouver aujourd'hui en tant que porte-étendard de l'univers étendu en construction autour du film de Zack Snyder même si, évidemment, on aurait pu se contenter de son simple rôle dans ce long-métrage sans qu'un quelconque background supplémentaire ne soit vraiment obligatoire. Mais, peu importe notre sentiment, "Army of Thieves" existe désormais bel et bien et, réalisé d'ailleurs par son interprète principal, nous emmène découvrir le passé de ce personnage, plus précisément au moment-clé voyant sa terne existence basculer dans le monde du braquage de haut vol.
Qu'est-ce que "Army of Thieves" ? Un spin-off/prequel à un univers de zombies ? Un vrai thriller sur fond de braquages ? Une comédie méta sur le film de casse ? Un divertissement dont le rythme ne rattrape jamais la totale insignifiance ? Eh bien, le long-métrage de et avec Matthias Schweighöfer est un peu tout ça, nageant entre tellement d'eaux qu'il ne s'en approprie finalement aucune pour trouver un semblant de singularité.
Se déroulant en parallèle de l'invasion du Nevada par les zombies, "Army of Thieves" va bien sûr multiplier les coups de coudes à l'avenir en cherchant à donner du sens à la présence future de Ludwig à Vegas. Outre des apparitions complètement gratuites de zombies par l'intermédiaire de quelques astuces grossières, le climat d'urgence induit par la situation devient ici le prétexte pour Ludwig de prendre sa vie en main et de saisir l'opportunité d'exercer son art d'ouverture de coffres sur la série la plus prestigieuse de ces objets (dont le fameux Götterdämmerung du film de Snyder est le point culminant).
Un test improbable (les Allemands ont vraiment l'art d'organiser des soirées étonnantes dans des lieux désaffectés), la formation d'une équipe, des braquages de plus en plus complexes, un agent d'Interpol déterminé à arrêter la bande, des trahisons... "Army of Thieves" se fond dans l'ossature scénaristique du plus classique des films de braquage mais tente d'y apporter une note plus cool et légère grâce à l'innocence de son héros et un regard ironique sur le genre par les allusions au cinéma de ses malfaiteurs.
Le problème, c'est qu'entre le sérieux et l'humour, le film ne produit rien de bien fou. L'intrigue est beaucoup trop cousue de fil blanc pour qu'on ait la moindre inquiétude quant au sort des braqueurs, les casses en eux-mêmes sont tellement faciles et irréalistes qu'ils s'apparentent aux étapes d'un jeu vidéo en mode facile dans une Europe grisâtre où les employés de banques ont tous l'âge d'être en pré-retraite, la curiosité Jonathan Cohen dans le rôle du meneur des forces de l'ordre approche le ridicule d'un Chris Rock dans le dernier ersatz de "Saw" (on l'aime beaucoup pourtant mais là... on a l'impression qu'il joue dans un autre film à chaque apparition, son personnage est déjà en soi ridicule de caricature cela dit), la bande de malfaiteurs peine à marquer les esprits sur ses turpitudes internes (Nathalie Emmanuel et Ruby O. Fee volent néanmoins sans mal la vedette à leurs fades complices masculins) et, enfin, les remarques méta sur l'absurde de certaines situations tombent à plat à cause de leur terrible manque mordant.
En mélangeant beaucoup trop d'ingrédients sans assaisonnement "Army of Thieves" n'est donc plus qu'une mixture sans saveur, certes capable d'offrir plus deux heures de divertissement sans faire trop ressentir le poids de sa durée et de ne pas entâcher le capital de naïveté amusante de Ludwig, mais jamais à même de prouver qu'il y avait une réelle nécessité de nous raconter cette histoire si peu originale. Le film aura eu le mérite (ou non, ça dépend de votre appréciation) de nous remettre en tête ce héros et l'univers de "Army of Dead" avant d'autres nouvelles extensions à venir (la suite "Planet of the Dead" notamment) mais, au-delà, il sera sûrement bien difficile d'en retenir quoi que ce soit d'autre...