Arrrietty est le quatrième film du studio Ghibli qui n'a pas été réalisé par l'un des deux piliers du mytique studio, Miyazaki et Takahata. Avant lui, Kôndo avait réalisé en 1995 "Si tu tends l'oreille", film agréable très éloigné de la production habituelle du studio et qui avait eu en son temps un assez beau succes au Japon. Kôndo était donc préssenti comme la relève des deux maîtres, avant qu'il ne décède prématurémment, bouleversant tous les plans de succession mis en place. C'est donc Morita qui s'attela, après la déferlante "Chihiro", à présenter un "Royaume des chats" plutôt superficiel et où l'on a du mal à retrouver la touche Ghibli. La relève ne semble pas trouvée, pas plus qu'avec Miyazaki fils et son très critiqué "Les contes de Terremer" (celui-ci n'ayant d'ailleurs à la base jamais eu envie de faire des films d'animation comme son père et ça se sent...). Arrive alors la décision de confier la réalisation de "Arrietty" à un jeune réalisateur inconnu. Très fortement secondé par Miyazaki, celui-ci réussit à renouveler l'exploit de Kôndo en son temps : se présenter comme une potentielle relève aux deux artistes. Son film, sans égaler la grandeur de ses prédécesseurs, est en effet agréable à suivre, sans s'éloigner de ce qui fait l'essence d'un film Ghibli.
Ce qu'il y a de remarquable (oui, remarquable) dans le film, ce sont ses décors. Que ce soit l'extérieur et ce superbe jardin, ou, encore mieux, le monde des chapardeurs, tout est si magnifique que je ne résiste pas à la tentation de faire des arrêts sur image, notamment pour essayer de deviner avec lesquels de nos objets la maison d'Arrietty a été décorée. Oui, n'ayons pas peur de le dire, les décors d'"Arrietty, le petit monde des chapardeurs" font sans doute partie des plus magnifiques du studio ! Tout fourmille de détails, l'oeil ne sait plus où se poser pour tout admirer. Quant à l'animation, elle est, comme toujours, absolumment parfaite. Ajoutons à cela quelques idées de mise en scène fantastiques (comme par exemple le premier chapardage d'Arrietty) et l'on obtient un film visuellement parfait.
L'histoire, elle, est très agréable et toute simple. En décrivant la classique rencontre entre deux enfants seuls venant de deux mondes différents, un thème qui fonctionne systématiquement, tout en s'axant sur le mode de vie de petits êtres et en évoquant quelques problématiques, le scénario marche sans soucis. Seuls quelques bémols sont à relever : un traitement un peu superficiel du thème des espèces en voie de disparition (le discours de Shô à ce sujet tombe comme un cheveu sur la soupe, en plus ici ce n'est pas logique. Car si les chapardeurs dépendents des hommes pour survivre, on pourrait penser plus logiquement que l'expansion humaine leur serait profitable, même s'ils auraient plus de risques d'être vus, ils auraient plus d'habitats possibles et plus de ressources aussi, non ?), un méchant dont on ne connait pas les motivations, un revirement de personnalité du chat incompréhensible... Les personnages, eux, sont très inégaux. Arrietty est très réussie et attachante dans son personnage d'adolescente aventureuse, Shô est attachant dans sa fragilité, et la grand-mère de ce dernier semble gentille et douce, Haru est amusante, mais les personnages du père, de Spiller, très stéréotypés et surtout celui de la mère tout simplement insupportable (du coup, son sauvetage est un peu gâché, puiqu'on ne peut pas s'inquiéter pour elle.) déséquilibrent quelque peu cette galerie dans l'ensemble réussie.
Soulignons enfin une musique inhabituelle pour Ghibli mais délicieusement envoutante et qui sied à merveille à l'ambiance. Cécile Corbel a fait un beau travail. Sa BO fonctionne en plus très bien toute seule également.
Arrietty, le petit monde des chapardeurs, est un "petit" Ghibli trés agréable qui n'a pour seule erreur que d'être encore trop imprégné de l'ombre de Miyazaki et de manquer un petit peu d'ambition, un défaut que le réalisateur gommera dans son "Souvenirs de Marnie".