Il faut bien que je me décide un jour à commenter le moins capraesque des films de Capra (au sens où je l'entends, bien entendu)…
Franck Capra adapte vers 1944 pour le cinéma la pièce renommée (éponyme) de Joseph Kesselring avec un Cary Grant, jeune marié mais qui n'ose présenter sa jeune épouse à une famille de dingues. Des fous comme s'il en pleuvait. De la folie douce des deux tantes qui soulagent les vieux messieurs célibataires ou veufs de leur ennui de la vie, de la folie des grandeurs pour un des frères de Cary Grant qui se prend pour Theodore Roosevelt et va creuser le canal de Panama à la cave et de la folie meurtrière pour l'autre frère qui ressemble comme une goutte d'eau au monstre de Frankenstein sauf que ce n'est pas le docteur Frankenstein mais le docteur (allemand) Einstein. Et les flics ou les infirmiers de l'hôpital psychiatrique ne sont guère mieux lotis.
Et même Cary Grant est suspect de forte contradiction car son métier de chroniqueur l'a amené à théoriser les vertus du célibat alors qu'il se marie avec une (très charmante) Priscilla Lane.
Alors, la grande question que je me pose toujours en voyant ce film étrange sachant que la pièce fut créée vers 1940 et le film vers 1944 est : y a-t-il, oui ou non, une relation entre cette pièce et la situation mondiale de l'époque : un monde fou, fou, fou, fou, quoi. Moi, je veux bien y croire. Mais aucun des livres sur le cinéma que je possède ne retient ce type d'analyse.
Donc il ne faudrait voir dans ce film, qu'une comédie loufoque et burlesque comme le cinéma américain en a produit des tonnes dès avant-guerre. Un genre dont je ne suis pas très friand. Capra avait aussi fait des comédies un peu déjantées comme l'excellent "Vous ne l'emporterez pas avec vous" en 1938. Mais là, la fantaisie a un sens bien profond. Il s'agit, pour Capra, de mettre en avant une lutte de gens menacés d'expulsion par un système capitaliste. La famille de doux dingues exprime les valeurs humanistes et morales de Capra …
Mais là, il semblerait qu'il ne faille voir que la grosse rigolade sur des thèmes sérieux où la terreur devient hilarante. Ne boudons quand même pas notre plaisir, il y a quand même quelques scènes où j'ai effectivement souri. Même si, je dois bien reconnaître m'être ennuyé à plusieurs autres occasions.
Finalement, comme je l'ai lu quelque part, si la "la vie est belle" est un conte de Noël, alors "Arsenic et vieilles dentelles" serait un conte d'Halloween. Sans la dimension capraesque que j'aime bien trouver chez ce cinéaste.