Adapté d’un roman de l’écrivaine Tomoka Shibasaki, le réalisateur a été séduit par cette histoire presque absurde de cette femme qui tombe amoureuse de 2 hommes ayant le même visage, mais aussi de la description fine du quotidien. Et la description du quotidien, Ryusuke Hamaguchi le connaît bien, notamment dans sa précédente œuvre Senses qui dure 5h et fut séparé en 5 partie, mais la force de celle-ci réside dans sa capacité à retranscrire une beauté simple et fascinante du quotidien. Présenté à Cannes en sélection officielle en 2018, cette nouvelle œuvre, plus romantique, de ce réalisateur japonais nous tente autant qu’elle nous envoûte avant même de le voir. Alors, qu’en est-il du résultat ? Asako I&II est-il une belle histoire romantique, dans la veine du style du réalisateur ou un échec voir une déception ? Asako I&II est d’une simplicité aussi belle que délicate qui montre un humour différent de l’occidental et probablement bien plus efficace.
L’histoire d’amour d’Asako est simple, elle part d’un constat simple, un coup de foudre, presque grotesque, assez burlesque même. Ce coup de foudre est celui raconté par le couple à des amis, et dès le début elle pose les bases d’une vision de la romance purement japonaise, à l’inverse de l’occidentale. Outre les codes du cinéma japonais, encore visible ici, notamment dans le rythme du film, assez lent, le film montre une romance dont nous n’avons pas l’habitude. Cette romance est un mélange entre quelque chose de direct, de brut et quelque chose de simple. En filmant le quotidien, avec ses rythmes lents, le film touche à la simplicité de la vie, et donc de l’amour. Cette simplicité, associée à l’amour brut (par exemple ce coup de foudre, totalement indescriptible et d’une rapidité folle et presque drôle même) créé un amour particulier, qui est extrêmement intéressant. L’amour au quotidien est au centre, le filmer permet de filmer l’amour dans sa nature propre, celle de le voir évoluer au quotidien, dans la normalité. L’extravagance et tout ce qui touche au sexe, donc l’amour que l’on voit dans les films occidentaux, est proscrit, tout cela n’apparaît pas et ne fait pas parti de la vision de l’amour que propose le film. Dans ce quotidien, l’amour se développe et surtout se dévoile dans sa forme la plus pure, la plus belle, et c’est cette forme d’amour qui est capté dans Asako, mais le film ne s’attarde pas que sur cela, et possède une histoire qu’elle développe.
L’histoire d’Asako est assez simple, une femme tombe amoureuse, coup de foudre, d’un homme, mais celui-ci disparaît et plus tard elle tombe amoureuse d’un autre homme, qui ressemble au premier. Dès le début, on sent que l’histoire va tourner autour de la force de l’amour et du questionnement suivant : est-elle amoureuse du premier homme ou du second parce qu’il ressemble au premier ? À travers cette histoire, le film pose un regard sur le premier amour, présenté ici via un coup de foudre, posant ainsi une réflexion sur la force de celui-ci, sur le coup de foudre. L’histoire commence au début sur le premier homme, mais la majorité du film se concentre sur le second, sur l’avènement quotidien de l’amour, de leur amour. Seule la seconde partie du film va développer l’histoire et ses questionnements dont on a parlé plus haut. Mais cette partie éloigne surtout tout aspect fantastique lié à la disparition, laissant ainsi reposer doucement ce délicat moment que fut la première partie, celle d’un quotidien tendre, beau et poétique même dans sa simplicité. Cette seconde partie va partir dans bien des sens, et surtout, vers sa fin dans des sens dont on ne s’y attendait pas du tout. Et c’est un peu là que le film surprend, voir même peut décevoir car après une beauté naturelle d’un quotidien dépeint avec une tendresse et un amour prodigieux, le film coupe littéralement ça. Le film continue sa thématique, son histoire et prend à contre-courant le modèle de romance qui normalement vers le milieu développe le problème pour enfin retomber sur ses pieds avec un twist par exemple (le twist est de base issu du genre romantique). Ici, on part dans quelque chose qui perturbe et surprend, où le spectateur se sent complètement trahis, mais semble comprendre, et puis le film surprend encore en partant dans un autre sens, presque un retour en arrière qui illustre un mouvement… Inutile. Et cela perturbe, notamment sa fin, car cet événement s’étire en longueur et se termine pas à la fin du film.
Encore une fois, il y a un côté burlesque dans la simplicité de tout cela qui fait rire, ou plutôt sourire, mais surtout, il y a toujours ce côté abrupt des événements qui influe sur ce burlesque, mais qui entraîne aussi cette seconde partie particulière. Le film réussit à narrer la force de l’amour, à parler du premier amour et du coup de foudre, mais on dirait qu’il commence vraiment à en parler dès sa seconde partie. Cela n’est pas expédié, mais est traité d’une manière très particulière qu’on met sur le dos d’une romance japonaise qui ne s’associe pas aux codes occidentaux. Or, l’événement problématique a lieu et le revirement de chemin, de situation, le twist a lieu aussi et la fin belle où tout le monde se retrouve a lieu aussi. Donc le film prend à contre-pied le modèle amoureux occidental dans son image d’un amour quoditien, sans fioriture et simple, mais va ensuite vite retomber sur les codes, d’une manière particulière, mais toujours dans ces codes, pour développer son histoire. Sa finalité aussi est une fin ouverte, la fin en elle-même n’est pas un bonheur absolu, mais seulement une ouverture vers ce bonheur qui laisse transparaître le message du film sur sa vision de la force de l’amour. Les deux parties sont bien distinctes et leurs styles sont unis, il n’y a pas deux signes distinctifs des deux parties, mais dans leur construction, la seconde partie coupe brusquement ce que construisait la première partie pour finalement tomber dans une construction basique, après tout un travail qui allait dans l’autre sens. Au final, ce n’est pas ce qui s’y passe qui nous brusque, mais c’est le changement brutal entre les deux parties qui nous offusque, nous contrarie et nous perturbe. Après être partie et avoir accepté une conception naturelle tournée vers quelque chose de profondément doux et sincère, le film change de cap pour rester sincère, mais enlève tout ce qui venait d’être construit. Finalement, l’histoire d’Asako est une belle romance, où sa construction, détaillée et soignée, semble se précipiter dans sa fin pour achever tout cela, quitte à perturber une forme générale tendre et délicate.
Conclusion : Asako I&II est une très belle histoire douce, sincère et simple sur l’amour et le coup de foudre où chaque détail anodin ajoutent une pincée de tendresse et de délicatesse qui fait chaud au cœur.