Au tout début, Ryusuke Hamaguchi semble vouloir partir sur une pure bluette, avec ce fameux coup de foudre au premier regard. Mais c'est un leurre et on comprend tout de suite, dès cette première scène, que le réalisateur, en faisant cela avec sobriété, sans un mot, en prenant son temps, sans tambour ni trompette (juste quelques pétards !), ne veut surtout pas faire dans cette fadeur et dans cette facilité.
On suit quelqu'un qui ne pourra rien faire contre l'impénétrable altérité de l'objet aimé. On n'est pas du tout dans la fusion incandescente de deux êtres. Dans cette optique, on est plus proche d'un Vertigo et de Proust que d'un Notting Hill et d'un roman Arlequin.
De plus, le récit ne va pas se composer d'une suite de scènes nécessaires juste pour faire avancer l'action de la manière la plus linéaire possible avec une mise en scène lisse. On va plonger, au contraire, dans le quotidien le plus banal, dans la multitude de petits aléas secondaires de la vie qui n'apportent rien à l'intrigue, mais qui lui insuffle un cadre réaliste inestimable. L'amour ne s'affirme pas en un éclair dans un monde idéalisé, mais avec le temps et parmi toutes ces petites choses qui ont l'air de rien et qui sont tout. Les personnages travaillent, les personnages mangent, les personnages dorment, les personnages s'amusent comme on le fait aussi. Cela a l'air bête dit comme cela et pourtant, c'est tout l'inverse.
Un film hollywoodien aurait transformé cette histoire en pur produit de consommation oubliable et jetable, avec tous les poncifs du genre, une prévisibilité indigeste, et le dernier tube en date, ringard la semaine suivante ; le tout dans le quotidien le plus fantasmé où personne ne semble travailler, et même manger. Ici, Hamaguchi vise la justesse et l'universalité avec cette histoire de double et de miroir aux alouettes, avec toute l'imprévisibilité que notre existence subit sans cesse.
Asako I&II est une vraie leçon de vie et de cinéma que donne ce réalisateur.