Parlons des blockbusters cette année. Bien entendu, les films de super-héros dominent entièrement le marché de leurs capes acidulées, allant du film d'auteur sous-estimé à la purge honteuse que l'on aurait préféré ne jamais voir (je ne cite personne ici, peur de me faire déjà des ennemis, mais suivez mon regard). Lorsqu'on les balaie que nous reste-t-il ? Arrivent à sortir des décombres les extensions de franchises qui pullulent aussi et des adaptations diverses et variées. Si ce constat montre de manière plutôt ostensible qu'Hollywood a décidé de dire adieu à toute production originale, il s'agit de chercher qui sort du lot. Dans ce fatras de déjà-vu, de conventionnel, d'humour mal placé et de parodies fatigantes, est-ce que le blockbuster s'est détaché pour toujours de l'auteurisme assumé dès lors que l'on quitte les bien connus Nolan ou Abrams ? Si peu ont pu garder une personnalité, autant dire que Assassin's Creed de Justin Kurzel ne fait pas parti du schéma visuel que l'on voit à répétition et s'érige avec brio comme un film grand public avec un peu de caractère.
Assassin's Creed s'évade de fait des niches que l'on a l'habitude de voir. On quitte là les réalisations les plus classiques du genre Deadpool pour entrer dans de véritables tentatives de cadrage et d'effets. Qu'il s'agisse des travellings impressionnants qui ponctuent le film avec des mouvements sûrs, souples et fluides ou des scènes d'actions sur vitaminées (qui s'ornent de ralentis et d'originaux accélérés) qui peuvent volontiers faire penser aux acrobaties propres à certains films Hongkongais (n'ayons pas peur des comparaisons), il faut admettre que le réalisateur sait ce qu'il fait. Les raccords permettant une véritable tension entre l'animus et le monde réel ajoute un petit plus au film qui jongle avec réussite entre les deux univers, sans ruptures, rappelant la synchronisation que le protagoniste doit absolument garder. Ressort de ceci des scènes dynamiques où le spectateur est pris par un florilège d'images parfois hélas trop agressives ou illisibles mais qui en général permettent la création d'un univers vif et épique. On retrouve avec plaisir des combats aux armes médiévales et des chorégraphies proches des arts martiaux que les affrontements dans les étoiles (aussi jouissifs soient-ils) nous avaient presque fait oublier.
Le scénario, s'il n'échappe pas à quelques lourdeurs, s'affiche finalement comme un véritable point positif. Bien entendu, les quelques répliques de Marion Cotillard placées çà et là pour familiariser le spectateur avec l'univers avec des infos trop dures à placer de façon naturelle, sont parfois gênantes et mal-amenées. Mais le film réussit tout de même à mener une adaptation qui ne se cotonne pas à un fan service stupide et très vite, les non-joueurs d'Assassin's Creed cernent facilement de quoi il s'agit. Le film s'oriente dès lors avec intelligence dans une histoire qui ne se réduit pas à un manichéisme primaire ou superficiel. Si les templiers sont clairement montrés comme des personnages peu sympathique, les assassins ne sont pas les héros justiciers qu'on aurait put craindre. La violence qui les anime, leurs capacités à tuer sans pitié, sont ici bien montrés, affichant clairement une idéologie dépassant une droite assumée qui suppose que les dégâts collatéraux ne ruinent en rien le héros (n'est-ce pas Jessica Jones?).
La véritable dualité dans le film se situe dans les deux univers montrés, d'un côté la médiévale inquisition espagnole et de l'autre l'achronie complotiste contemporaine. Si je fais parti de ceux qui aurait préféré voir un peu plus de cette Espagne divisée, je dois admettre que le peu qu'on m'en donne tient la route. Les décors grouillants et sales et les bâtiments sur lesquels nos personnages voguent restituent une belle ambiance d'époque, peut-être trop jaunie, mais pas idéalisée. On est bien dans un XYe siècle où règnent le sang, la poussière et l'obscurantisme. De l'autre côté, la partie plus science fiction est très bien gérée aussi. Les cadres froids et bleus restent classiques mais le design épurée de la prison flatte convenablement l'œil. Le lieu clos qui oscille entre centre de recherche et prison donne une complexité intéressante à l'architecture et ajoute une espèce d'ambiguïté appréciable entre enfermement contraint et bien de la science.
Ce qui est regrettable dans ce film est peut-être les personnages. L'excellent casting tient bien la route, chacun semble impliqué et tous donne une interprétation qui n'est pas honteuse mais les personnages sont réduits à des stéréotypes trop peu profonds. C'est leur idéologie à chacun qui est intéressante mais par cette complexité, le scénariste semble avoir oublié que les personnalités doivent elles-mêmes dégager quelque chose.
Assassins Creed est donc une adaptation qui n'a rien de honteux et qui a contrario paraît bien être la meilleure adaptation de jeu vidéo que l'on ai vu (n'oublions pas que cette année Warcraft n'a pas eu à rougir non plus). La licence est parfaitement vulgarisée pour ceux qui ne jouent pas et joliment référencée pour les plus grands fans (vision d'aigle, parcours, plan à la première personne, etc). Le film se permet d'avoir de la personnalité (rien que par ses gros plans qui sont habituellement complètement absent du cinéma grand public) et pour cela, il est clairement un blockbuster de très bonne facture.