Avec son univers mariant histoire, action et science-fiction, la licence Assassin’s Creed convoque des univers cinématographiques allant de la SF jusqu’au film de cape et d’épées. Un programme particulièrement riche, qui se prêtait à l’évidence à l’adaptation cinématographique ambitieuse vantée par ses producteurs. On est d’autant plus surpris de constater que le premier échec évident de l’œuvre est sa dimension narrative. En témoigne la première demi-heure du film, qui devrait rester comme une des plus creuses vues cette année en salles. Mise en bouche historique contextualisée à la truelle, flash-back interminable dans les années 80, ellipse incompréhensible suivie d’interminables débats… En près de 30 minutes, Assassin’s Creed ne raconte rien et ne s’inquiète jamais de la personnalité ou des motivations de ses personnages, transformés en pantins lymphatiques...
Manifestement, Justin Kurzel ne sait absolument pas ce qu’il est supposé nous raconter, à tel point que son film délaisse le cœur du projet, à savoir l’épopée située au cœur de l’Espagne de l’Inquisition. Réduite à trois malheureuses scènes d’action, les séquences où interviennent les assassins confinent à l’absurdité la plus totale. Projeté en plein XVème siècle, personnages et spectateurs sont précipités au sein de séquences de poursuites et de baston dont on ignore les motivations, le contexte ou l’enjeu. Pire, Kurzel était manifestement le plus mauvais choix possible pour Assassin’s Creed. Incapable de penser l’action, il la découpe très mal et la filme généralement avec des cadres si serrés que l'on perd tout le sel des (excellentes) chorégraphies...
La structuration bitemporelle du récit se révèle être également un handicap, les scènes situées en 1492 n'étant qu'un simple déroulé d'événements passés auxquels Callum Lynch ( Michael Fassebender ) assiste impuissant (comme nous !), via la mémoire d'Aguilar. Ce dernier et ses complices ont beau courir et sauter dans tous les sens pour échapper aux troupes de Torquemada, le spectateur n'est saisi d'aucune tension et se contente de contempler les acrobaties des encapuchonnés. L'absence d'interaction entre passé et présent parasite complètement la dynamique du film : chaque retour au réel de Lynch fait l'effet d'une coupure pub et dépouille Assassin's Creed de son potentiel immersif. Impossible de s'attacher aux personnages du XVe siècle et l'on ne se soucie guère plus de ceux du présent... Résultat, plus le film avance, moins on se préoccupe de savoir qui, des Templiers ou des Assassins, va retrouver la "pomme d'Éden"...
Avec les prochains Minecraft, Metal Gear Solid, Grant Turismo et Uncharted en préparation, on n'a pas fini d’en manger de l’adaptation de jeux vidéo. Espérons toutefois que la recette parvienne un jour à être plus digeste que cet Assassin's Creed. Car pour le moment, Ubisoft nous offre un ratage plutôt spectaculaire dans l'exercice d'adaptation de jeux video au cinéma !!!