Ce nouvel opus des aventures d'Astérix est sans doute l'une des plus grosses attentes de cette fin d'année. Notamment par l'annonce de la nouvelle direction technique qui comme souvent lors d'un changement majeur, créa un mouvement de protestation de la part des plus irréductibles adeptes de nos ancêtres moustachus (et qui font de même quand aucun changement n'est réalisé, allez comprendre...). Le second qui fait contraste au premier point (par la nature de l'engouement) est la participation d'Alexandre Astier au projet. Un film qui par ces deux points peut générer deux types de sentiments divergents, imposant au film des attentes d'autant plus importantes qu'accoutumées.
Quand l'animation Gauloise rivalise avec celle de l'oncle Sam
Parlons de l'aspect qui fait le plus débat : la technique. Il faut admettre que ce changement radical exige un temps d'adaptation. C'est naturel après tout, car jusqu'à présent les adaptations d'Astérix n'étaient pas esthétiquement ce qu'on pourrait appeler : une prise de risque, mais plutôt le contraire pour éviter tout dépaysement avec le format original. Cependant, après la première séquence suivie d'un générique en 2D, et le retour au numérique, un soulagement naitra chez certains. Peut-être pas chez les plus réticents aux changements qui se borneront à leur position, mais d'autres plus sensible au travail sur le respect non seulement sur le trait, mais sur les expressions ou encore sur la personnalité des personnages, ne seront pas des défenseurs bêtes et méchants du numériques, mais plutôt des admirateurs de l'effort qui a été porté sur cet aspect pour conserver (malgré un changement majeur) ce qui fait un Astérix. Vous l'aurez compris, je fais partie de la deuxième catégorie, même si je reste un fervent défenseur de l'animation traditionnelle.
L'autre travail purement technique sur lequel il me semble intéressant de s'attarder, concerne la réalisation. Aspect tout à fait remarquable, sûrement facilité par les nouvelles possibilités qu'offre le passage au numérique. Le Domaine des Dieux use, mais n'abuse guère d'effets pour capter l'attention du spectateur et faire naître en lui une quelconque réaction. Tel une symphonie, chaque effet et plans plus contemplatifs est un outil qui s'insère parfaitement dans le déroulement du scénario. Tout en mesure donc.
Dans cet esprit, nos deux druides ont réussi à mettre en place un rythme des plus efficace, s'appuyant énormément sur le travail de monsieur Astier à l'écriture. Point qu'il faut souligner, car ici et contrairement à la majeure partie des films d'animation de « même catégorie » (Exemple au hasard : DreamWorks), la technique et la réalisation ne sont qu'un appui au travail scénaristique. En somme, les dialogues et la profondeur des personnages mettent de côté les aspects propres à la technique, pour aboutir à une œuvre beaucoup plus riche et qui à mes yeux tiendra la route sur le long terme. Notamment, par l'installation d'un rythme beaucoup plus posé qui laisse place à des dialogues savoureux entre les différents protagonistes, par un style dont Alexandre Astier à lui seul le secret.
Sus à l'envahisseur !
Il est nullement nécessaire de voir le film en son intégralité pour saisir que cette œuvre est sous le joug du créateur de Kaamelott, d'ailleurs dans un élan d'euphorie, j'ai sans le vouloir déclarer un peu fort : « La patte Astier ! ». Vous comprenez que son influence va au-delà de toute espérance, et qu'on le retrouve à son meilleur. Les amateurs de K retrouveront surtout l'humour et quelques similitudes avec le dernier livre de la série, étant mon livre préféré suivi du V. Il faut dire qu'il m'ai difficile de ne pas apprécier la direction choisie. En somme, on a assez vite l'impression que le projet revient surtout à Astier, qui laissa la partie plus technique (et surtout en terme d'animation) à Louis Clichy.
Mais cette prise de position s'étend au-delà du scénario, car certains membres de la cour du roi Arthur sont invités aux festivités. Une invasion de doubleurs venus du royaume de l'ogre ! Certains choix déroutants (Obélix notamment), mais dans l'ensemble, c'est très efficace (puisque sur des personnages secondaires, moins gênants). Mention spéciale bien entendue à monsieur Alexandre Astier qui permet à un centurion (tiens comme dans K) un peu fade physiquement de s'imposer et par moment de quasiment voler la vedette à nos héros favoris. Même si ces derniers jouissent de scènes tout à fait remarquables, dont mes favorites sont celles réservées à Idéfix.
Par contre, il sera beaucoup difficile pour les allergiques de la série à succès d'apprécier cette aventure. Mais pour le reste du commun des mortels, il ravira sans aucun doute les plus jeunes notamment par des situations incongrues et absurdes, mais aussi les plus aigris par la saveur des répliques et nombreuses références présentent tout au long du métrage.
Disons que la subtilité du style Astier s'impose dans ce nouvel Astérix, tout en restant fidèle à l'œuvre originale. Voilà ce qui fait de ce film un véritable succès ! L'intelligence d'Alexandre Astier à s'approprier une œuvre tout conservant son authenticité (chose pas si éloignée de ce qu'il a réalisé avec K). Une adaptation est toujours difficile, prenons l'exemple du Tintin de Spielberg qui est une catastrophe... Et encore, je modère mes mots ! Premièrement, l'adaptation en numérique de Tintin est consternante, les personnages manquent de profondeur. Deuxièmement, une histoire à faire grincer des dents et beaucoup trop éloignée de l'album d'Hergé. Pour finir, un rythme et une ambiance beaucoup trop portés sur le divertissement (trop jeux vidéo par moment). Sur tous ses points, le Domaine des Dieux est en parfait contraste avec l'adaptation américaine de Tintin. « (...) Et là, normalement, il me faut une citation latine, mais pfff..., j'en ai marre ! » K, Livre V.