Là où les Américains ont Superman comme héros identifiable pour tout le monde, nous avons Asterix. Tout le monde ou presque connaît le petit Gaulois à la moustache dorée sans même avoir lu les albums. La BD a fait le tour du Monde, de quoi mettre les familles Uderzo et Goscinny à l'abri du besoin pour dix générations, lesquelles ont confié leur bébé à une nouvelle équipe qui a relevé le défi avec les honneurs et qui semble prête pour assurer une longue vie au héros de BD le plus vendu dans notre hexagone et aux quatre coins du globe.
J'adore Asterix, j'ai lu tous les albums, certains ne sont pas revenus intacts (la délicatesse n'est pas la première qualité d'un bambin hyperactif) mais ils n'ont pas fini de passer de la bibliothèque à mes mains et mes yeux qui découvrent à chaque nouvelle lecture un gag en arrière-plan ou un jeu de mot qui s'étaient fait discret jusque là. Si les adaptations en prise de vue réelle sont d'une inégalité qui ,e témoigne que trop bien de la difficulté de faire la transition des cases à la pellicule (merci encore Chabat qui est le seul à avoir tout compris), ceux en animation ont déjà moins de contraintes sur les épaules. D'où un résultat au mieux hilarant et culte comme les 12 Travaux, au pire sympathique comme le dernier opus avec les Vikings.
Et voilà qu'après le quatrième film live réalisé par dessus la jambe, il est annoncé que le prochain opus adapté sera le Domaine des Dieux... avec Alexandre Astier. Une bonne partie du public se trouvait déjà rassurée tant la tête pensante de Kaamelott est apprécié (voire déifié) sinon respecté par le grand public, le bonhomme ayant une tête bien faite et n'ayant pas son pareil pour doser un humour qui a fait école depuis. En grand fan de Kaamelott, j'étais aux aguets, d'autant que Louis Clichy venait s'occuper de l'animation, un bonhomme sorti tout droit de Pixar. Cela en plus du budget conséquent et d'un casting forcément fourni, le message était clair : le film posait ses couilles sur la table et faisait comprendre qu'il allait prendre son sujet au sérieux en nous faisant hurler de rire, il ne pouvait pas en être autrement. Pas de surprise : ils ont réussi.
J'avais quelques craintes pour le côté graphique car jusque là les adaptations animées d'Asterix faisaient leur maximum pour donner l'impression que l'on avait utilisé les dessins de la BD. 3D oblige, on passe à autre chose, ce qui peut déstabiliser certains (ce fut le cas pour certaines de mes proches) mais cela rend malgré tout très bien, je ne vois aucune trahison de l’œuvre ici. Comme il s'agit d'une adaptation et qu'une reprise à 100% n'est pas toujours possible en film (que ce soit par rapport à la longueur ou au rythme imposé), Astier reprend surtout la première partie de la BD avant de prendre un autre chemin tout en restant en terrain connu, si bien que les quelques libertés ne dérangent absolument pas. Elles permettent d'ailleurs de mettre davantage nos héros en danger, ce qui n'est pas un mal tant la potion magique mettait les Gaulois à l'abri dans la majorité des albums Je regrette cela dit un rythme parfois trop soutenu, comme si on lisait la BD en diagonale mais c'est surtout valable dans le premier tiers du film.
Les thèmes abordés par le matériau de base restent bien présents puisque Goscinny eut l'idée de l'histoire après avoir appris l'effondrement de vieux HLM. Astier s'en sert bien à son tour tout en détournant d'autres aspects "antiques" à la sauce contemporaine comme ce combat de gladiateur reprenant les codes d'un match de catch. L'esprit Asterix est là de bout en bout avec les traditionnels jeux de mots avec les noms, les gags visuels qui exploitent idéalement l'animation non sans quelques références aux travaux passés comme les poules chères à Uderzo ou la construction du Domaine faisant écho à celle du palais de Cléopâtre. Le tout englobé de gags extérieurs à l'univers mais qui s'emboîtent bien, dont l'un ou l'autre faisant allusion au bébé de l'ami Astier. Nous attendions tous en effet une certaine réplique, celle-ci s'étant invitée à un moment plus inattendu.
Au niveau du doublage, il y a à boire et à manger. Astier étant d'une fidélité exemplaire, ses amis de Kaamelott se chargent de beaucoup de voix, que ce soit les habitués de la série ou quelques guests. Certains se fondent très bien (Lionnel Astier en Cétotomatix), d'autres sont plus reconnaissables mais sans déborder (Astier lui-même en centurion), là où certains pêchent quelque peu. Elie Semoun en irritera certains, heureusement il a droit à ses bons moments également. Hélas, Guillaume Briat (le roi Burgonde de Kaamelott) est clairement le canard boiteux du lot, sa voix ne colle absolument pas pour Obélix. Il faut dire que la comparaison avec les regrettés Pierre Tornade ou Jacques Morel ne pouvait qu'être en sa défaveur mais Jacques Frantz dans le dernier opus faisait une meilleure transition.
Les autres guests s'en sortent avec les honneurs, de Laurent Laffite, excellent Duplicatha, à Laurent Deutsch en passant par Alain Chabat, revoir l'ex Nul mêlé à Asterix ne peut que faire plaisir. Après, tous ceux qui ont grandi avec les dessins animés retiendront surtout la présence salvatrice de Roger Carel. Je n'ose imaginer un Asterix animé sans sa voix iconique (ce sera sa dernière prestation, lui qui avait pris sa retraite quelques années plus tôt) mais il va bien falloir se résoudre à tourner la page, il est déjà extraordinaire qu'il soit encore parmi nous à 87 ans tout en délivrant une performance aussi bonne qu'il y a près de 40 ans, si bien qu'on oublie très vite son âge. Respect Monsieur Carel et encore merci pour avoir accompagné notre enfance.
Dire que l'on donnait Asterix pour mort après la disparition de Goscinny. Au final, Uderzo a repris le flambeau (certes avec des hauts et des bas), une nouvelle équipe assure une bonne continuité et des films et dessins animés aussi bons que le Mission Cléopâtre de Chabat et celui-ci continuent à sortir. J'espère que les générations suivantes, à défaut de s'attacher autant que la mienne ou celle de mon père (les temps ont changé), auront encore droit à autant de qualité. Longue vie à Asterix par Toutatis !