Adapter les aventures de ce légendaire héros de la bande-dessinée est un pari sacrément osé. Pour les films de chair et d'os, seul Chabat avait réussi sa mission. La dernière version animée, Asterix et les Vikings, n'était pas plus intéressante. Asterix : Le Domaine des Dieux était donc un projet qu'on pouvait autant redouter qu'attendre impatiemment.
Qu'on en soit adepte ou non, Alexandre Astier a un humour qui lui est propre. Un univers absurde qui peut tout autant embarquer que laisser dubitatif. Cette ambivalence est vraie dans tout cet Asterix.
Certains gags enfantins tombent à plat mais les références culturelles fonctionnent très bien. Les co-réalisateurs de cette adaptation ont voulu être très fidèle à la BD originale, Le Domaine des Dieux. C'est cette volonté très honorable qui différencie le film des dernières apparitions d'Asterix au cinéma. Beaucoup moins de digressions visant à coller à l'air du temps. Le récit garde l'essence originale de la bande-dessinée. Ce numéro ne marche pas à l'éclat de rire mais trace un trait d'humour continu qui est fidèle à l'esprit de la BD.
L'introduction très dynamique du film est extrêmement jouissive. Une fois cet excellent générique passé, le rythme reste assez sobre. Pas de surabondance de vannes ou d'actions exorbitantes. Un hommage honnête à l’œuvre de Goscinny et Uderzo. La pertinence de l'adaptation est loin d'être toujours évidente, en particuliers pour le cas de la bande-dessinée. Mais là elle ne s'impose pas du tout comme inconvenante. Un film d'animation fidèle qui peut parfaitement encourager une nouvelle génération à découvrir les aventures littéraires d'Asterix. On ressent toute fois les limites de la retranscription, avec des effets qui fonctionnent manifestement d'avantage à l'écrit.
La simple présence de Roger Carel pour donner sa voix à Asterix apporte un ancrage mémoriel. Il en découle une nostalgie des premiers dessins-animés, qui étaient de belles mises en vie.
Il y a tout de même Obélix qui n'est franchement pas mis en valeur. Son rôle est très restreint et il a simplement l'air stupide. La voix (Guillaume Briat) est carrément déconcertante. Il a pas du tout fière allure les yeux dans le vague et la tenue toujours approximative. En revanche, ses rapprochements à King Kong sont génialement délirants.
Quant au reste du casting; il serait temps d'oublier Laurent Deutsch pour le doublage (et plus encore), François Morel est frais en Ordralfabetix et Elie Semoun a un sens drôlement aigu du strident.
Visuellement le rendu de l'image de synthèse est une bonne suprise. Le Tintin de Spielberg avait tendance à dénaturer le dessin d'Hergé. Le Domaine des Dieux garde une juste dimension. Peut-être n'est-ce pas aussi simple par trois, mais en numérique ça passe. A l'instar du plan sur le village en pleines soldes, c'est modernisé dans une bonne mesure.
L'humour aussi est bien jaugé entre burlesque familiale et références de culture pop. Sur les deux aspects il y a du bon et du mauvais. Le potache enfantin n'est pas très bon, sauf quand Obélix devient bestial et flair le festin. Ou encore la lâcheté et la bêtise des romains. « Vous ne passerez pas à coté » des allusions, tellement elles ne sont pas subtiles. C'est quand même terriblement efficace dans l'ensemble. De l'auto-référence avec Kaamelot ou Hero Corp aux monuments du cinéma avec Le Seigneur des Anneaux et King Kong, le champ est vaste. Quand les insinuations sont politiques ça tombe carrément à plat.
Cette adaptation animée du Domaine des Dieux ne brasse pas trop le vent du changement. C'est avant tout une humble remise au goût du jour d'un tome important des aventures d'Asterix.
Petits et grands y trouveront leurs ingrédients dans cette adaptation très cool.