Carréellement bon, Roger.

(Critique écrite quelques heures après la sortie cinéma) Les dernières incursions d'Astérix sur grand écran ont profondément divisé, pour rester mesuré. Dans le domaine de l'animation ou avec des vrais acteurs, on n'a plus retrouvé de film globalement bien reçu depuis Mission Cléopâtre, en 2002. Et le dernier film d'animation en 2006 était, disons-le, plutôt médiocre. Ce nouveau volet, nous sommes nombreux à l'avoir attendu comme le Saint-Graal. Oui, je sais, cette référence était très rigolote.

Bon, certes le scenario est d'Alexandre Astier mais il ne faudrait peut-être pas oublier que y'a aussi un certain Louis Clichy dans le lot qui est juste le réalisateur, après tout. Même si j'aime bien Kaamelott, ne pas être fan m'aide peut-être à ne pas perdre ça de vue. Mais une chose a interpellé les fans du petit gaulois : Pour la première fois, c'est un volet en image de synthèse qui attend nos amis gaulois, comme c'est la mode aujourd'hui. Il y avait là un motif d’inquiétude.

Or, il ne faut pas longtemps pour voir que le budget a été bien employé, il faut le reconnaître, c'est vraiment bien léché. Le style s'éloigne de celui des albums mais le rendu est particulièrement propre, les éclairages magnifiques, les personnages sont plus expressifs que jamais, la mise en scène s'approche vraiment de celle d'un vrai film. Quand on s'arrête un instant à regarder les vêtements des personnages, on est frappé : Obélix on voit les fibres de son habit ! Les personnages en toge, on a l'impression qu'on pourrait toucher la soie. Des fans de Tintin avaient été rebutés par sa perfection visuelle car ça « trahissait » Hergé. Ici, même s'il ne s'agit pas de motion capture le rendu reste impeccable, alors peut-être qu'Astérix aura le droit aux mêmes reproches, mais à mon sens, ce serait bien injuste.

Au casting vocal, on a 3 cas de figure. Le premier trop réduit : Les vrais comédiens de doublage. Astérix est toujours tenu par le grand Roger Carel qui, malheureusement, s'en occupe pour la dernière fois. C'est fou tout de même : Qui dirait, sans le connaître, que l'acteur qui double Astérix a aujourd'hui 87 ans ? Sa voix ne le trahit à aucun moment. C'est super de voir qu'Astérix n'a jamais varié d'un iota depuis les années 60. Bernard Alane lui, s'occupe de Panoramix et fait un travail de qualité, comme à son habitude.

Deuxième cas de figure, les potes de Kaamelott d'Alexandre Astier. Et je dois admettre que le seul défaut gênant du film vient de là : Guillaume Briat en Obélix. Les bandes annonces m'avaient mis en garde mais sur la durée du film, confirmation : Ça ne va pas. Sa voix ne colle pas à Obélix et c'est même parfois... et bien... assez laid. J'ai d'ailleurs pu constater que pas mal de gens étaient d'accord avec moi. Les anciens comme Jacques Morel ou Pierre Tornade ont cassé leur pipe, mais pourquoi ne pas reprendre Jacques Frantz comme dans le film précédent ? Alexandre Astier lui-même livre une très bonne prestation avec le personnage du centurion, parfois on entend clairement le roi Arthur.

Et dernier cas de figure, les guests, comme beaucoup trop souvent dans les films d'animations depuis une vingtaine d'années. Je dois reconnaître que dans l'ensemble j'apprécie. Nous avons Laurent Deutsch, bien reconnaissable, en architecte Anglaigus. Alain Chabat dans un rôle de sénateur typique de l'univers d'Astérix : Gras, veule, feignant. Mais sans aucune hésitation, la guest qu'on reconnaît entre milles dans ce film est Élie Semoun. Peut-être un peu trop, au point de devenir une distraction extérieure au film mais je dois admettre là encore que son personnage est plutôt fendard. Au chapitre anecdotes, notons aussi un petit rôle pour Davy Mourier que les spectateurs de la chaîne Nolife connaissent bien. Mais en toute franchise, si je ne l'avais pas lu, je n'aurais rien remarqué en voyant le film.

Dans les albums vous pouvez voir qu'à une époque, volontairement ou non, Goscinny alternait un voyage avec une intrigue qui restait aux alentours du village. 6 des 8 des adaptations précédentes ont préféré le voyage, plus attirant a priori et bien adapté à un format cinématographique. Les deux seuls qui ne s'y sont pas risqué sont généralement les moins appréciés. Le premier est « Astérix le gaulois » certes précurseur mais pas terrible et crée sans que Goscinny et Uderzo ne soient au courant. Et le Coup du Menhir, le moins connu et reconnu des 3 adaptations de la Gaumont. Ici, nous restons toujours aux alentours du village, or, force est de constater que... ça marche ! Il fallait que j'y vienne, alors m'y voilà : Ce film est hilarant. Mais ne vous contentez pas de mon ressenti, je vous assure que la salle entière était très réceptive.

On a des gags en pagaille. Ceux repris de l'album bien qu'ils soient finalement assez réduits. On a tout ce qui est références, je les craignais mais finalement elles s'insèrent plutôt bien. Ce film se repose aussi beaucoup sur les petits dialogues badins qui insufflent une touche de modernité par leur simple interprétation : Ils paraissent spontanés, quand dans les anciens films même certaines très bonnes répliques faisaient trop écrites. Leur rythme rapide accentue ce ressenti. On a aussi les noms de romains inédits (mention spéciale à un fameux slogan politique) et enfin, certains personnages.

Le Duplicatha interprété par Laurent Laffite par exemple, avec son vocabulaire soutenu et ses manières courtoises est 10 fois plus drôle que dans l'album. (Et, Astérix le cognera alors qu'il est black ! Honteux ! Où sont les associations anti-racistes ?) La comparaison avec l'album justement, je vous en touche un mot, bien qu'elle soit secondaire à mon goût. Le lecteur reconnaîtra la version papier dans les grandes lignes jusqu'à, environ, la mi-film. Ensuite, on part dans une toute autre histoire. Résultat, on nous réserve plusieurs bonnes surprises et quelques audaces bienvenues. Passer en format 1h30 ne semble pas avoir été laborieux, et au risque de me répéter, quand on voit d'anciennes tentatives, on constate que ce n'est pas si évident que ça.

Je dois dire que j'ai quand même eu une crainte à un moment. Cette manie dans les récents Astérix de vouloir inventer des personnages jeunes pour les enfants y trouvent leur compte (comme la fille du chef dans Astérix et les Indiens par exemple) n'a pas donné que du bon et s'est même parfois avérée agaçante. Ici, ils se sont sentis obligés de mettre un enfant qui prend pas mal de place. Je me disais « Vous n'aviez pas assez de potentiel de personnages avec la BD française la plus connue au monde ? ». J'avais pas besoin de personnages enfantins pour aimer Astérix quand j'étais enfant. Mais heureusement, et c'est une surprise, le gamin est plutôt sympathique en fin de compte.

Enfin, pour résumer, ce volet d'Astérix est une réussite quasi totale ! Par Toutatis, la malédiction est levée, il en aura fallu du temps ! Il est vraiment drôle, il flatte la rétine surtout pour une production française, il est rythmé, dynamique, apporte un sang neuf à la saga sans tomber dans des idées trop décalées comme on a pu en avoir dans le passé pour notre plus grand malheur. Voir Astérix distribuer des baffes aux romains n'a peut-être jamais été aussi jouissif. Courez-y !