Adapter un album d’Astérix sur grand écran est une tâche réputée difficile. Alexandre Astier, ayant relevé le défi avec succès avec Le Domaine des dieux, s’est alors payé le luxe d’écrire une histoire originale, comme le firent Goscinny et Uderzo en leur temps avec Les Douze Travaux. Il fallait être sacrément gonflé pour se lancer dans un tel projet, mais impossible n’est pas gaulois. Dans Astérix : Le Secret de la potion magique, le gaulois le plus célèbre au monde après Vercingétorix (il faut bien se l’avouer un jour ou l’autre) escorte Panoramix, ayant chuté lors d’une de ses cueillettes de gui, dans sa quête d’un jeune successeur à qui transmettre la recette du fameux breuvage pour qu’il devienne ainsi le nouveau druide du village. Une quête difficile, d’autant plus que Sulfurix, rival de Panoramix, rêve depuis longtemps de posséder ce secret.
Animation impeccable, gags en pagaille et récit rythmé, voici les principaux ingrédients de cette potion magique revigorante. C’est la première fois qu’une suite (sans pour autant qu’il soit mention dans l’intrigue de l’aventure précédente) nous est offerte, les précédents films d’animation fonctionnant plutôt de manière autonome du fait de n’avoir jamais eu le ou les même(s) réalisateur(s), à l'instar de ceux réalisés par Goscinny et Uderzo. On a l’impression d’assister enfin à la naissance d’une franchise Astérix en animation de qualité, même si Astérix et Cléopâtre ainsi que Les Douze Travaux restent des chefs d’œuvre absolus. Mais depuis, le petit gaulois avait peiné à trouver sa voie sur grand écran. Il l’a enfin trouvé grâce au duo Astier-Clichy. Cette nouvelle aventure se trouve dans la lignée du film précédent, tout aussi détonante. L’univers défini par les créateurs de la BD est enrichi mais en aucun cas trahi, et les quelques prises de liberté très intéressantes permettent à l’univers d’Astérix de perdurer en intérêt et qualité, là où les nouvelles aventures en BD pensées par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad restent, somme toute, agréables à lire, mais faibles par rapport aux œuvres originales. Faire une plus grande place à la magie est, par exemple, une formidable trouvaille donnant plus d’épaisseur au personnage de Panoramix.
L’une des principales qualités de ce nouvel opus, en plus de l’humour kaamelottien qui fait toujours mouche, est la distribution vocale. Trouver une nouvelle voix au héros gaulois n’était pas une tâche aisée. Christian Clavier, qui avait déjà interprété Astérix dans les deux premières adaptations en prises de vue réelles, prend ici la relève de Roger Carel. Si dans la première adaptation live, l’ancien membre de la troupe du Splendid ne parvenait pas totalement à se départir de l’hystérie caractérisant les personnages interprétés précédemment dans Les Visiteurs ou Les Anges gardiens, il réussit, chez Chabat, à proposer une interprétation plus posée, lui permettant ainsi de s’effacer un peu mieux derrière le personnage. Pourtant, il n’était pas forcément évident que la voix de l’acteur corresponde avec le physique animé d’Astérix, et dont la voix de Carel reste indissociable. Or Clavier donne peut-être dans le film d’Astier sa meilleure interprétation du personnage, aussi juste dans les scènes de colère que dans les phases apaisées, ce qui nous fait espérer un prochain long-métrage d’animation Astérix auquel l’interprète de Katia dans Le père Noël est une ordure accepterait de participer. Quant au reste de la distribution, tout le monde joue sa partition avec brio. Guillaume Briat s’affirme en Obélix, Daniel Mesguich convainc avec grand talent en prêtant sa voix au premier vrai méchant de l’univers, Bernard Alane et Gérard Hernandez, deux monuments du doublage, sont dans leurs petits souliers, tandis que François Morel a réussi l’exploit de rendre sa voix indissociable du personnage d’Ordralfabétix. Interprétation impeccable de la part des acteurs principaux, mais aussi de celle des acteurs secondaires : Phillipe Morier-Genoud reste un formidable César, alors qu’Olivier Saladin (ex-Deschiens), en incarnant le sénateur Tomcrus, maitrise à la perfection le dialogue d’Astier.
Avec une musique signée Philippe Rombi, cette nouvelle aventure originale est une réussite en tout point. Et même si Astérix semble déserter un temps sa propre aventure (temps très court, fort heureusement), tous les ingrédients sont réunis pour faire de cette potion magique un succès.