A l'heure où Albert Uderzo pose son véto sur toute adaptation cinématographique se réclamant de Mission Cléopâtre, conserve un contrôle total sur les nouvelles parutions d'Astérix au point de limiter la créativité des nouveaux auteurs en leur donnant des directives et surtout après avoir annoncé que le personnage allait probablement mourir avec lui, je n'ai pas pu m'empêcher de voir dans le sujet de ce nouveau film le fruit d'une simple coïncidence.
Quel heureux hasard que dans ce contexte, la nouvelle histoire d'Astérix écrite entièrement par Alexandre Astier évoque en effet la thématique de la transmission.
Difficile de ne pas voir dans ce Panoramix affaiblit et entêté, la parfaite métaphore de ce qu'est devenu le dessinateur de la bande-dessinée au fil du temps. Un parallèle qui saute d'autant plus aux yeux lorsqu'on se penche sur le développement du personnage.
Si au départ le vieux druide nous est présenté lors d'une séquence où nous le voyons récolter les différents ingrédients de la potion magique avec une aisance déconcertante, une chute inopinée le clou brutalement au sol, l'empêchant de terminer son travail en complète autonomie. D'abord dans le déni, Panoramix finit par accepter son état de faiblesse et prend subitement conscience qu'il n'est pas immortel et que si quelque chose de plus grave venait à lui arriver, c'est tout le village des irréductibles gaulois qui disparaîtrait avec lui. Aussi, acceptant l'inévitable mais ne souhaitant pas confier la recette de la potion magique à n'importe qui, il se met donc en tête de trouver un druide qui sera digne de lui succéder. D'où un Tour de Gaule où le vieillard ira de déception en déception compte tenu du niveau générale de la druiderie. Mais... et si Panoramix n'avait pas eu la malchance de ne tomber que sur des incapables, aurait-il mit moins de temps à trouver la perle rare ? Rien n'est moins sûr.
Car comme tous les artistes, ce dernier cherche avant tout un double de lui-même. Une personne qui lui rappelle le jeune druide qu'il était autrefois et qui, pense t-il, pourrait ainsi naturellement avoir les mêmes aspirations que lui. En somme, il recherche un idéal qu'il ne pourra jamais atteindre.
Et c'est que le méchant Sulfurix comprendra parfaitement, ce qui poussera ce dernier à briefer le meilleur candidat au poste pour qu'il aille dans ce sens lors de son examen.
Au bout du compte, lorsque Panoramix s’apercevra que son poulain n'était pas digne de confiance et que ses amis risquent de périr par sa faute, il prend alors la décision de confier la préparation de la potion magique à une enfant du village qui n'a, en principe, aucune légitimité pour l'exercice, mais qui a toujours assisté le druide avec admiration durant toute son aventure et qui connaît chaque étape de la préparation.
A travers ce choix plutôt surprenant, Astier semble montrer que la transmission peut s'effectuer de manière indirecte. Qu'il n'est pas forcément bon de garder un contrôle totale sur sa création quand elle cesse de nous appartenir et qu'il vaut mieux faire confiance aux jeunes générations que l'on a inspiré pour reprendre le flambeau comme ils l'entendent.
Le dernier échange entre Panoramix et sa jeune recrue est d'ailleurs une parfaite représentation de ce point de vue.
Pour sa première histoire originale dans l'univers d'Astérix, Alexandre Astier a donc écrit, consciemment ou non, une véritable lettre ouverte au vieux Druide Uderzo l'invitant à plus de souplesse dans le contrôle de sa création.
Malheureusement, le long-métrage souffre de nombreux défauts le rendant plus bancal et moins réussit que Le Domaine des Dieux.
Déjà, comme vous l'aurez sûrement remarqué, c'est bien Panoramix le personnage principal de cette nouvelle aventure d'Astérix, reléguant de faite tous les autres gaulois au rang de sidekicks, ce qui constitue un premier problème.
En effet, si dans le précédant opus les rôles étaient bien mieux répartis et plus équilibrés, chacun ayant son utilité au sein du récit, ce n'est clairement pas le cas dans ce deuxième film. Astérix et Obélix n'ont d'ailleurs que peu de place au sein du métrage, faisant davantage office de Deus ex-Machina facile pour sortir le scénar d'une impasse. C'est ce qui explique le fait qu'on est si bien accepter le retour de Christian Clavier dans le rôle du gaulois râleur, car qu'il soit présent ou pas, au fond, son sort nous importe peu.
La construction des personnages, leur caractérisation et leur importance dans le récit sont indéniablement moins réussies. A l'image du grand méchant qui certes, créé une menace efficace dans le dernier tiers mais qui paraîtrait terriblement creux et quelconque si il n'était pas doublé par l'exceptionnel Daniel Mesguiche.
Le scénario est également beaucoup moins maitrisé que celui du précédant volet. Après une exposition plutôt réussit où les enjeux sont rapidement posés, le deuxième acte ne constituera qu'en une succession de scénettes voyant nos héros partir à la recherche de la Nouvelle Star gauloise, un peu à la manière d'un télé-crochet made in M6, tandis que de son côté le grand méchant semble mettre plusieurs mois à expliquer des choses d'une simplicité folle à son disciple suisse.
Ce second acte est certes très divertissant, remplit d'idées visuelles et de gags à foison que maître Goscinny n'aurait pas renié, mais forcé de constater qu'aucune progression ne se dessine durant un très long moment. Jusqu'à l'arrivée d'un troisième acte spectaculaire, aux enjeux forts, mais au traitement complètement bâclé et à la résolution totalement grotesque.
Tout ceci laisse le sentiment d'un film mal construit au dénouement bien trop abrupte pour être pleinement satisfaisant.
Mais le plus dommageable, c'est que le propos final manque lui aussi de clarté. Au cours du film, il m'a sauté aux yeux car j'avais lu une interview d'Albert Uderzo avant de le voir. Mais une personne entrant dans la salle sans avoir cette grille de lecture en tête risque de passer complètement à côté.
D'autant que le film est presque trop subtile sur ses intentions, puisqu'au final, Panoramix ne passe jamais clairement le flambeau à sa jeune recrue, préférant lui laissait le choix ou pas de poursuivre son œuvre. Et bien que ce soit sûrement une volonté symbolique de terminer l'histoire ainsi, reste que cela ne résout pas les enjeux initiés au début du récit. On revient simplement à la situation initiale ce qui laisse une sensation d'inachèvement à la sortie du film.
Le Secret de la Potion Magique reste néanmoins un film drôle, très bien réalisé et porté par un message positif adressé à l'avenir de la licence Astérix, comme dans toute transmission artistique de manière générale. Mais c'est aussi un film beaucoup bien moins maitrisé et aboutit que le Domaine des Dieux qui reste pour moi l'un des meilleurs films de la saga, toutes époques et support confondus.
Ce n'est peut-être pas un hasard si Astier a annoncé de manière catégorique qu'il ne réaliserait plus de films sur le petit gaulois après celui-là. Dieu sait ce que donnera le futur d'Astérix au cinéma. J'espère qu'Uderzo sera comprendre les conseils avisés du créateur de Kaamelott pour qu'à l'avenir il donne sa confiance à des artistes originaux pour faire évoluer positivement son œuvre, plutôt que de soutenir des films lives infâmes portés par des mecs lui cirant les pompes mais causant plus de tort que de bien au personnage et à son univers.