Mélange de deux albums (Chez les Bretons et Les Normands), cette quatrième adaptation live d'Astérix et Obélix est un divertissement décent ; prudent, un peu morne, tout en modération. L'affront que constituait les Jeux olympiques n'est pas réparé, ni ré-édité ; s'il s'en approche dans la perception du spectateur, c'est surtout à cause des faiblesses, voire de la paresse, de cette nouvelle mouture. Astérix et Obélix sont de nouveau au cœur de ces aventures. Ces dernières sont un sacré problème. Hormis ce tonneau oublié le plus clair du temps, il n'y a pas d'enjeux forts. On déroule le gentil programme sans remuer rien ni personne. A-priori, le budget sert principalement à deux choses.
D'abord : réunir des vedettes en phase d'ascension (les visages venus de chez Canal+), tout en retenant les stars énormes ; ultra-marketé ou pas, ce film visant les six millions sent au mieux la marotte fatiguée, au pire le nanar lourdingue surgonflé. Catherine Deneuve n'a donc rien à gagner ici, quoiqu'elle se soit déjà abaissée à des comédies piteuses, dans des rôles gracieux où elle se trouve en dissonance (Belle maman, Cyprien), comme pour illuminer paisiblement des daubes garanties. Naturellement elle joue cette fois la reine des Bretons, sans efforts, ramassée dans sa transe élégante. Le deuxième poste de dépense crucial semble celui du design. En effet Au Service de Sa Majesté génère régulièrement des effets très amples, dont la laideur pugnace est sans doute censée faire rire les enfants.
Visuellement on donne dans le flashy gras et dégueulasse (Laurent Tirard des deux Petit Nicolas est derrière la caméra), mais là encore, avec mesure : c'est Charlie's Angels en plus soft et complètement placide, comme à la suite d'un passage en cellule de dégrisement. Le début est convenable mais la paralysie devient de plus en plus évidente au fur à mesure. Les concepteurs s'enfoncent dans la besogne, les spectateurs dans un ennui tranquille, pas trop choquant. Il y a de grosses initiatives, comme Luchini en César ; elles ont peu l'occasion de se concrétiser, les scènes ne sont pas méditées. Certaines situations savent faire rire (le malotru a défait le tricot..) mais les personnages n'y sont que des figurants, d'ailleurs aucun ne fera de happening mémorable. La crainte de la comparaison aux JO a pu inhiber l'équipe. Malheureusement le jeu sur les caractères et le clash des cultures trouve une raison de plus pour ne pas décoller.
L'humour aussi est hésitant, mi-beauf feutré mi-connivence réprimée. Il y a un peu de continuité avec l'humour Canal, un peu de meta, un peu de distance, mais pas trop, pour que tout le monde s'y retrouve ou à défaut ne soit pas heurté. Les débats du moments et éléments de langage de l'époque actuelle sont très présents au début, cette tendance s'estompe ensuite. Les citations (références à des classiques populaires [Star Wars, Orange mécanique] et à l'Histoire ultérieure) sont plus appuyées et ponctuelles qu'auparavant ; par exemple, le 'Itinéris' de Mission Cléopâtre (second opus dirigé par Chabat, le seul globalement respecté à ce jour) s'étalait sur la durée et intégrait une nuance bien étayée à l'édifice ; ici on laisse filtrer des clins-d’œil, on évoque des anecdotes, puis on se détourne aussitôt. Même pour vomir les idiosyncrasies d'ados blaireaux on se détourne rapidement – les BB Brunes chantent à la fin devant un parterre modérément enthousiaste, la fête est posée ; il en faut une mais il fallait éviter d’écœurer, alors le compromis a été bien trouvé et le mauvais goût devient digeste.
Valérie Lemercier se démarque un peu dans le rôle de miss Macintosh ; Edouard Baer est dans une position inconfortable dont il se sort avec brio, mais ce brio somme toute ne sert qu'à éviter la berezina presque réclamée par le costume taillé. Baer est censé nuancer le personnage en y injectant son rôle de Cléopâtre, dans un mode plus posé. Cela donne un nouvel Astérix bien faible, sans aplomb, presque dépendant et facilement abattu. Un type embarrassé, neutre mais tenace, un personnage 'moyen', très représentatif du film. Celle-ci n'est jamais qu'une comédie française tout-terrain de son temps (2012), tâchant d'être moins con que les grands modèles du genre mais n'ayant ni les moyens ni l'intérêt d'élever le niveau ou de changer de registre. Finalement, seul le premier Astérix (Astérix et Obélix contre César) aura été fidèle à l'esprit des BD ; les dessins animé continueront à gagner en désuétude, pourtant ils terrasseront encore leurs cousins live, y compris dans le rythme, au moins pour une génération. La suivante qui découvrira les JO et Sa Majesté hésitera peut-être à prendre la relève.
https://zogarok.wordpress.com/2015/10/20/asterix-et-obelix-au-service-de-sa-majeste/