Une comédie d'aventure vaguement drôle qui ne se tient pas, à l'aspect patchwork parfois gênant.

Ce qui m'intéresse dans les adaptations d'Asterix, outre le plaisir de découvrir un potentiel bon film de comédie et d'aventure, c'est de voir ce que le réalisateur et ses équipes vont faire des énormes budgets qui leur sont confiés. En effet dès que l'on lance un long-métrage Asterix en prise de vue réelle en France, on sort les très gros moyens pour honorer celui qui semble être notre héros national. Asterix et Obélix, c'est notre blockbuster à nous, qu'on semble hyper fier d'afficher. Soyons concrets, on parle ici de 65 millions d'euros qui ont été confiés à Guillaume Canet pour fabriquer une aventure inédite d'Asterix et Obélix. Et je dois dire que quand je vois ce résultat, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il y a un problème. Que si tous ces moyens ont aboutis à ce film, c'est qu'il y a un bug dans la matrice, qu'il faut songer à changer des choses. Ou, sans aller jusque là, peut-être qu'il faut juste dire un truc : ce film n'est pas bon.


Mais peu importe le budget, je suis là pour juger le film et uniquement le film. Et c'est justement sur le film au sens large que j'ai le plus à dire, sur sa structure global : le film ne se tient pas.
L'Empire du Milieu commence sans problème, avec la superbe voix off de Gérard Darmon et l'introduction traditionnel du village gaulois. Mais très vite, le film semble fragile. Il enchaîne les scénettes, juste pour faire rire ou présenter un personnage, mais sans que cela ne paraisse vraiment fluide. Les flashs back semblent forcés, l'élément déclencheur terriblement artificiel. Les enjeux et les intrigues, au demeurant intéressants, nous sont lancés au visage sans délicatesse. Puis la voix-off finit par décrire bêtement les péripéties comme pour combler des trous. Très vite, le film semble aligner des sketchs, qui finissent plus d'une fois par un fondu enchaîné abrupt comme pour se débarrasser de la séquence, plutôt que de vouloir les lier décemment les une aux autres. Ceci jusqu'à une bataille finale qui me paraît expédiée. Au final, on y croit pas.
En somme, malgré sa bonne facture visuelle, le film est un objet qui ne se tient pas, clairement foutraque et maladroit. Comme si, au milieu de tout le reste, on avait oublié de construire un film un minimum solide et assuré. Vous me direz qu'on parle d'un film Asterix, que là n'est pas l'important. Ben si putain. On fait un film, son scénario et plus précisément sa structure, c'est sa base, tout simplement. On ne peut pas faire tenir tout ce que le cahier des charges d'un film Asterix impose, sur des fondations aussi instables.

Au-delà de ça, Guillaume Canet parlait de vouloir faire du sien un film d'aventures, mais je n'en ai vu qu'une imitation. Hélas, le scénario ressemble d'avantage à un prétexte pour aligner les guests stars. Une erreur qu'on pensait pourtant impossible à reproduire depuis "Asterix aux Jeux Olympiques", tant l'écueil sautait aux yeux dans ce dernier. Et ces guests s'en sortent parfois bien, parfois moins bien. Certains sont en roue libre, dans l'excès comme dans dans le minimalisme. Le jeu est donc irrégulier, jusqu'à ce qu'on y croît plus. Et au-delà des guests, c'est même des personnages centraux qui bénéficient d'interprétations vraiment pas convaincantes, ça saute franchement aux yeux et aux oreilles dans le film.
Je poursuis avec les séquences d'action, qui ne rattrapent pas l'ensemble. Assez nombreuses, elles sont pourtant ambitieuses et parfois très réussies, comme celle sur le bateau pirate. Avec ses chorégraphies au câble, son habile découpage et son montage au cordeau, la scène rend un sympathique et cohérent hommage à une spécialité du cinéma asiatique. Mais toutes ne sont pas de cette qualité, loin de là. Grâce notamment à des effets de bonne facture, elles restent à certains moments divertissantes, mais à mon humble avis, pas du tout assez pour nous faire oublier les problèmes que j'ai évoqué plus haut et nous procurer le plaisir que l'on est en droit d'attendre d'un film Asterix.

Parlons maintenant de l'humour. Asterix c'est avant tout une comédie alors c'est un point essentiel. Et je dirais simplement que je n'ai pas beaucoup ri, même si j'ai trouvé certains personnages drôles. José Garcia, Manu Payet et la barmaid de Lutèce m'ont fait rire. Mais je ne peux m'empêcher de me dire qu'il s'agit là plus de numéros individuels de comiques que d'un réel humour installé par le film. A ce niveau-là, seul Obelix est un personnage qui m'a vraiment fait rire et même touché. Il faut dire que Gilles Lellouche, bien qu'il passe après Depardieu, en réussit une incarnation remarquable. Mais malgré ça, les multiples références, diverses et variés et selon moi pas toujours pertinentes, les vannes souvent approximatives et vraiment surfaites ne suffisent pas à me faire marrer. Guillaume Canet m'avait fait beaucoup rire avec saz comédie "Rock'n'roll", mais là l'objectif est manqué.


Enfin je termine sur un un autre point vraiment négatif du film et pas des moindres : son aspect patchwork dégueulasse. En effet, à de nombreuses reprises, le film nous sort des effets assez radicaux, voir grossiers, comme la vision fantasmée de César avec Cléopâtre, ou les gros plans au ralentis sur les visages lors des moments de coup de foudre, et j'en passe. Et le film les refait parfois à plusieurs reprises, insiste dessus, comme s'il voulait à tous prix retrouver la fraîcheur des idées visuelles ingénieuses d'Alain Chabat sur "Mission Cléopâtre". Franchement, le film semble parfois courir bêtement après les mêmes gimmicks, en vain bien-sûr. Sans compter la musique qui pose aussi un vrai problème. Sans déconner on a le droit, entre autre, a un putain de remix d'un thème culte de Ennio Morricone à la sauce asiatique pour la bataille finale, une version chinoise de "Time of my Life" pour le banquet final, ou encore à "Kung Fu Fighting" qui se lance direct lors d'une séquence de combat à base d'art martial. Je m'emporte mais franchement quand c'est pas honteusement cliché, c'est au moins malvenu.


Bref, "L'Empire du Milieu" est une comédie d'aventure mal foutue et bancale, gangrénée par ce qui semble être un cahier des charges absurde et des choix vraiment discutables, pas assez drôle et parfois même gênante. Ses rares qualités ne parviennent pas du tout à sauver les meubles. A quand un Asterix qui se prend un minimum au sérieux, afin de faire aussi un vrai film d'aventure, plutôt que de choisir la comédie balourde comme seul cheval de bataille ?


Et quand je pense aux moyens dont tu disposais, tu m'énerves encore plus film, alors je te met 3.

BERAN_
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le 9 avr. 2023

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