De Pire Empire

Onze ans sans un film live sur les aventures de nos chers gaulois. Onze ans après le fiasco qu’était Au Service de sa Majesté. Ce qui me fait poser la question : qu’est qui a pu motiver Jérôme Seydoux à vouloir relancer la machine Astérix et Obélix au cinéma ? Pourquoi se diriger vers Guillaume Canet pour écrire, réaliser et incarner ces nouvelles aventures cinématographiques du petit gaulois moustachu ?

Sa réponse : sauver le cinéma français. Ramener le public dans les salles de cinéma après la crise du covid19. Bref, redonner toute sa splendeur à la « grande production française ».

Ça, c’est sa réponse. Et pour être honnête, je la trouve fausse et ça prouve que le film a été fait pour de mauvaises raisons.

Le cinéma va bien. Les salles de cinéma vont bien. Alors oui, on peine encore un peu à retrouver le pic de fréquentation de 2019. Mais eh, en 2022 on a eu Top Gun Maverick et Avatar 2 qui ont respectivement attiré six et douze millions de spectateurs dans les salles obscures. Et même si beaucoup râlent sur les prix, que les plates-forme de streaming forment une concurrence importante, nous, français, restons les plus grands consommateurs de films au cinéma en Europe. En fait, ce qui fait chier Jérôme Seydoux, c’est qu’aucun film français ne soit dans le top 10 du box-office français en 2022. Mais à vrai dire, tant que d'excellents films français à échelle plus modestes fonctionnent, je ne me plains pas. Mais pour Seydoux, c'est problématique parce que ça freine les grosses productions françaises à la Luc Besson. Mais il faudrait peut-être réfléchir à qui on les donne ces grosses productions. Mais Seydoux s'en fout, lui en réponse, il augmente le prix des salles Pathé en nous faisant croire que c’est pour améliorer notre expérience de visionnage, puis il produit…ce film.

Astérix et Obélix l’Empire du Milieu, le film de la reconquête du public. Celui que Canet vend comme le messie cinématographique qu’il faut absolument soutenir pour qu’on continue de produire ce genre de choses en France. Mais mon bon Guillaume, c’est exactement parce qu’on ne veut plus voir ce genre de choses dans notre paysage culturel français que tes chiffres sont si bas. C’est parce que tes derniers films ne tournaient qu’autour de ta petite personne que personne n’est allé les voir.

Ce qui me frustre tant avec ce nouvel Astérix, c’est qu’il n’est pas né d’un désir de faire un film Astérix. Astérix n’est qu’un moyen, un support, un choix marketing pour vendre encore un peu plus du Guillaume Canet. Ça n’aurait pas été un film Astérix, personne n’en aurait parlé tant Canet est au point mort niveau inspiration artistique (sujet qui était d’ailleurs central dans ses derniers films/rôles). L’Empire du Milieu n’a d’Astérix que le nom et les costumes. C’est tout.

Rien dans l’histoire, dans les dialogues ou dans les gags ne rappelle le style de Goscinny et d’Uderzo. D’autant plus qu’il s’agit d’une histoire originale. L’Empire du Milieu n’est pas une nouvelle aventure d’Astérix et d’Obélix, il est un florilège de situations embarrassantes où chaque acteur vient imposer son humour sans même essayer de coller à la vision de la BD.

Jonathan Cohen fait du Cohen, Canet fait du Canet, Lellouche du Lellouche, Ramzy du Ramzy, etc. Le film veut parler à ceux qui ont aimé le personnage de Marc dans La Flamme, à ceux qui aiment le duo d’Eric et Ramzy, à ceux qui aiment le côté looser d’Orelsan, à ceux qui aiment voir Vincent Cassel en pleine autodérision (mais qui ici fait vraiment peine à voir). Mais il ne parle jamais à ceux qui aiment la BD. Bref, il est un gloubi-boulga du paysage comique français actuel mais dans vingt ans, ça ne parlera plus à personne.

On aurait pu craindre ça de Mission Cléopâtre mais vingt ans après, le film marche toujours. Même avec sa palette d’acteurs datés et ses références d’un autre temps. Pourquoi ? Parce qu’Alain Chabat y avait mis tout son cœur et sa personnalité, quitte à faire moins du Astérix et plus du Nuls. Claude Berri avait offert sa confiance à Chabat et ce dernier avait compris l'opportunité qui lui était offerte. Et force est de constater que Mission Cléopâtre résonne dans l’inconscient collectif comme l’une des plus brillantes comédies du cinéma français.

Canet, lui, n’a pas de personnalité. Ou s’il en a une, je me demande bien où elle est passée. Même question pour le budget. 65 millions d’euros pour des milliers de soldats chinois sur une plaine windowsXP qui ne se battent jamais. 65 millions pour un costume d’Obélix où on voit les coussins flotter au niveau des fesses de Lellouche. 65 millions pour des décors pas forcément moches, mais jamais mis en avant par la mise en scène. Chabat laissait respirer sa mise en scène, ne se cantonnait pas à des champs contre-champs à l'épaule, il nous laissait voir l’Égypte à la Uderzo, avec ses temples, ses pyramides, il rendait iconique par la même occasion Cléopâtre, bref, il s’appliquait à rendre son univers identifiable. Ce qui n’est jamais le cas de Canet.

Typiquement, la scène des pirates permet de constater l’étendu du naufrage qu’est L’Empire du Milieu. Aucun effet de style n’est appliqué. Chabat avait choisi de suivre à la case la bande dessinée d’origine mais y avait appliqué son rythme et son sens de la démesure dérisoire avec une musique ridiculement épique au cœur d’une scène pleine de non-sens. Canet avait tout le loisir d’imaginer sa propre scène de pirate ou de simplement reprendre une déjà existante, mais non. Il n’applique rien. N’imagine rien. On introduit les pirates avec le capitaine qui sort de l’eau en maillot de bain comme s’il sortait de la piscine, mais ça n’est jamais sujet à un gag. Ou était-ce cela ? Le gag ? Un capitaine qui fait la baignade dans la mer ?

Et le film est truffé de ces moments embarrassants où on voit l’amorce d’un gag sans rien après. Comme si Canet craignait d’aller au bout de son idée. Ou peut-être qu’il ne sait tout simplement pas comment faire de l’humour ? C’est peut-être pour ça qu’il laisse tant de liberté à ses acteurs, mais au service de quoi ? De Ramzy Bedia qui drague l'Impératrice de Chine pendant quinze minutes ? De Cohen qui refait son Marc ? D’Angèle qui fait la jolie blonde mais qui ne joue pas ? De Zlatan qui écrase des soldats avec du Queen en fond ? D’Orelsan qui s’auto-référence sans que ça ne soit jamais drôle ? De Big Flo et Oli qui se teignent les cheveux en blond ? De McFly et Carlito qui jouent le duo de romains fuyards ? J’vais vous dire, au début de film, j’ai vu Marc Fraize faire une apparition. Quelques dialogues un peu cons et le gars était parvenu à m’arracher un rire. Il en fallait peu, juste une intonation dans sa voix, un regard apeuré devant la baffe qu’il allait se prendre et le tour était joué. Le gag était simple, on le connaissait depuis le premier tome de Goscinny et d’Uderzo mais il était là, fonctionnel, efficace.

Et quand bien même tous ces caméos sont inutiles. En 2022, François Descraques avait aussi eu recours à un caméo de McFly et Carlito pour son film Le Visiteur du Futur. C’était pour une scène aussi longue que celle dans Astérix. Mais juste avec de bons dialogues, une bonne direction d’acteur, une bonne utilisation de leur complicité, les deux compères avaient réussi à me faire rire alors que je n’ai jamais aimé leur contenu sur Youtube. Donc faire des caméos réussis, c’est possible, encore faut-il avoir une idée de ce qu’on veut en faire. Ce qui me ramène encore une fois au néant artistique qui entoure Guillaume Canet.

Mais bon, comprenez-le ce pauvre Guillaume. Il avait pas vraiment envie de le faire ce Astérix. On le lui a proposé, ç’aurait été con de refuser. Il ne se voyait même pas incarner Astérix mais on lui a forcé la main. Il a accepté ce qu'on lui a demandé de faire sans broncher, il a incrusté tous les amis qu’il pouvait incruster, il a docilement léché les pieds de Jérôme Seydoux qui se frottait les mains à l’idée des montagnes de pognon qu’il allait se faire avec ce pseudo sauvetage du cinéma français. Mais du coup, il arrive quand le film qui nous sauvera, nous, le public français de toutes ces merdes ?