Après la déception de The French Dispatch, j'avais peur que Wes Anderson finisse par s'enfermer dans son propre style, comme si la symétrie pouvait tourner à vide et étouffer le cadre, comme si la rigidité ne permettait plus à la fragilité d'apparaître.


La bande annonce m'avait fait redouter le pire, mais justement, les bandes annonce sont des outils marketing qui doivent mettre en avant les signes explicites associés à l'auteur : le film respire heureusement plus qui ce qui y était montré.


Le casting pouvait aussi laisser présager un passage en revue superficiel de grands noms, ce qui est en partie évité. Les nouveaux arrivants dans la troupe Anderson réussissent à exister à l'écran, même si la densité de visages connus laisse une impression générale de sous-exploitation. Mais c'est avant tout, je pense, un problème scénaristique. Je m'explique.


La grande qualité du cinéma d'Anderson se trouve dans le rythme si particulier qu'il arrive à insuffler à son histoire et à ses personnages. Passer du ralenti à l'accéléré : comme d'habitude, les meilleurs moments sont dans les silences entrecoupés de dialogues lancés à toute vitesse, dans ces interstices où les personnages éclosent dans leur fragilité. Le premier acte est d'ailleurs le plus long et le meilleur : l'exposition peuple Asteroid City de tout un tas de silhouettes légèrement décalées, chacune avec ses caractéristiques et ses tics. En revanche, la suite peine à donner du corps à l'ensemble : jamais ce microcosme n'arrive à donner l'impression qu'un groupe se constitue. Il est d'ailleurs assez difficile de se repérer temporellement : tout paraît survolé. Lorsque l'élément qui fait basculer le film finit par arriver et qu'une quarantaine est décrétée, rien, à part quelques éléments de décor, ne permet de ressentir l'enfermement. J'aime quand des groupes se constituent à l'écran, quand on sent les rapprochements, les habitudes qui se forgent, mais cela demande de s'y attarder, ce qui n'est jamais fait, sauf de manière très brusque et par conséquent artificielle (il ne suffit pas d'un regard pour que l'on croie à une attirance réciproque, sauf si ce regard a lui-même été amené de manière convaincante).


Je suis encore moins convaincu par la partie sur le théâtre. C'est comme si Wes Anderson n'était plus capable de raconter une histoire directement et sans passer par des interludes méta-fictionnels. Il y a bien plus de mystère dans la silhouette d'un requin que dans l'apparition d'un OVNI. C'est dommage, j'aurais aimé que cette présence soit moins anecdotique, qu'elle suscite un peu plus d'émerveillement et de curiosité, tant chez les personnages que chez les spectateurs. Quant à l'espèce de séance d'hypnose des acteurs, elle tombe à plat, sauf dans les toutes dernières secondes avant la fin de l'acte 3.


J'en ressors à moitié déçu et à moitié rassuré. Mais j'aime bien les yeux de l'alien.

fizzmizer
6
Écrit par

Créée

le 17 juin 2023

Critique lue 87 fois

3 j'aime

Antoine

Écrit par

Critique lue 87 fois

3

D'autres avis sur Asteroid City

Asteroid City
Moizi
8

Le temps suspendu

Je me range dans le camp des gens ayant aimé cet Asteroid City, si j'ai longtemps eu du mal à apprécier son cinéma, j'ai fini par vraiment tomber amoureux du style de Wes Anderson. Visuellement on...

le 14 juil. 2023

85 j'aime

1

Asteroid City
lhomme-grenouille
4

Qui a dit : « au dixième, j'arrête » ? (Spoiler : pas Wes Anderson.)

Et de onze pour Wes Anderson. Moins de deux ans après son French Dispatch, le revoilà déjà sur les grands écrans, et avec lui cet étrange sentiment qui commence à gagner de plus en plus de ses...

le 23 juin 2023

78 j'aime

17

Asteroid City
Plume231
4

Le Théâtre du désert !

Je ne le dirai jamais assez, au-delà de son style visuel reconnaissable entre dix milliards, Wes Anderson a une maîtrise technique qui suscite à chaque fois mon admiration. Et ce qui la suscite...

le 20 juin 2023

67 j'aime

19

Du même critique

Asteroid City
fizzmizer
6

Le survol

Après la déception de The French Dispatch, j'avais peur que Wes Anderson finisse par s'enfermer dans son propre style, comme si la symétrie pouvait tourner à vide et étouffer le cadre, comme si la...

le 17 juin 2023

3 j'aime

La Constance du prédateur
fizzmizer
3

Scénario Netflix clé en main

Il y a certains Chattam que j'aime bien, mais depuis quelques temps, j'ai l'impression qu'il persiste dans une veine pas folichonne dont tous les défauts m'ont sauté aux yeux dès les premiers...

le 15 janv. 2023

2 j'aime