Je me range dans le camp des gens ayant aimé cet Asteroid City, si j'ai longtemps eu du mal à apprécier son cinéma, j'ai fini par vraiment tomber amoureux du style de Wes Anderson. Visuellement on est sans doute dans le plus andersonien des films de Wes Anderson, les couleurs vives, les décors qui font à la fois artificiels mais tellement tangibles, la composition des plans avec ces cadres dans des cadres dans le cadre...
Mais je crois que ce que j'aime le plus, c'est le rythme et ce que j'ai eu le plus de mal à apprécier au début. Wes Anderson est bavard, ses personnages parlent, parlent, donnent information sur information, c'est rapide, on est rapidement noyé (je ne cache pas que c'est tout aussi jubilatoire que déstabilisant) et puis tout à coup le temps s'interrompt, il se passe un truc entre les personnages, quelque chose de réellement émouvant, dans ce qui semblait être au début une sorte de caricature. Le montage, la mise en scène, le jeu des acteurs, tout est fait pour avoir ce rythme et ces quelques moments de temps suspendu qui sont réellement touchants et justes. On sent que ces personnages sont plus que ce qu'ils semblaient êtres au départ, qu'il y a une âme derrière.
Bref et là ça fonctionne magnifiquement bien dans cet Asteroid City, le fait d'avoir quasiment un huis clos théâtral en plein soleil, d'avoir ces séquences méta sur l'écriture de la pièce de théâtre que l'on est en train de voir qui permettent à chaque fois d'avoir un regard supplémentaire à la fois sur les acteurs, l'auteur, le metteur en scène... mais aussi sur la pièce elle-même. Il y a un côté vertigineux puisque l'on sent bien qu'il y a des clés de lecture qui se révèlent au fur et à mesure. Mais en même temps on est en train d'assister de manière très premier degré à une double histoire d'amour, à un deuil, sur fond d'invasion extraterrestre (meilleur rôle de Jeff Goldblum ?)
On sait qu'Anderson aime les récits enchâssés (Grand Budapest Hotel ou bien The French Dispatch) et ce qui est formidable c'est parce que c'est toujours magnifiquement bien interprété réussir à nous happer quel que soit le niveau de récit auquel on est. Qu'on puisse être ému autant par les acteurs jouant la pièce que par les personnages joués (voire même par les personnages joués par les personnages de la pièce). On sent que c'est sincère.
Pas sûr d'avoir vu Scarlett Johansson aussi bien jouer depuis Match Point...
Et donc vu que les séquences s'enchaînent à une vitesse assez folle, mais qu'à chaque fois ça arrive à se renouveler, à proposer une nouvelle vision de ce que l'on est en train de voir, on se retrouve face à un film aussi passionnant qu'il est touchant.
J'aime beaucoup cette sortie de vacuité de l'existence avec laquelle il faut composer, cette instit qui veut tenter de faire cours alors que les gamins ont totalement la tête ailleurs, l'athéisme du gamin... et surtout comment le film ne sombre jamais dans le nihilisme, parce qu'il s'agit de se trouver son propre but. On retrouve le côté doux amer et mélancolique des œuvres d'Anderson qui parvient à capter quelques bribes de la difficulté d'être vivant.