L’excitation propre à la sortie d’un nouveau film de Wes Anderson s’est tarie, au moins depuis que le cinéaste nous a achevés avec son French Dispatch, gloubi-boulga d’une esthétique épuisée jusqu’à la corde lancée à la vitesse de la lumière. Sur Asteroid City, Wes Anderson semble ne pas avoir appris de ses leçons et continue à faire ce qu’il sait faire, au risque d’épuiser une partie de son public. Ce dernier opus a pourtant considérablement ralenti le rythme du précédent, sans toutefois alléger son esthétique, loin s’en faut.
S’ils ne sont pas lassés, ceux qui connaissent le cinéma d’Anderson ne seront donc pas surpris. Mais ce style, maintes fois copié et moqué sur internet, ne doit pas se départir de l’art de la mise en scène que le réalisateur manie avec brio.
Asteroid City est le théâtre d’un concours de jeunes scientifiques venus de tout le pays pour présenter leur dernière invention, avant que la science ne les surprenne et change le destin de la ville. Comme souvent chez Anderson, il y a ce que montre avec une maîtrise visuelle impressionnante le film, et ce qu’il raconte par la mise en scène. Asteroid City est avant tout l’histoire du deuil d’une famille après la perte de la mère, sujet qui sera au cœur des plus belles scènes. Il y a cet échange que le jeune veuf (Jason Schwartzman) entretient par fenêtre interposée avec une star de cinéma incarnée par Scarlett Johansson telle une conversation zoom par temps de confinement, un écart qui donne le recul nécessaire au père pour apprendre à aimer et désirer à nouveau, ou ce jeu de mouvements de caméra verticaux, entre ciel (la venue surréaliste d'un extraterrestre) et terre (l’acte bien concret d’enterrer un tupperware contenant les cendres de la morte). Le film est à cet égard parsemé d’idées de cadres, qui balaient d’un revers de main toutes les critiques d’un cinéma qui ne serait qu’un pur objet esthétisant.
À la manière des œuvres antérieures d’Anderson, Asteroid City est une mise en abîme : l’histoire qui nous est racontée à l’écran est en réalité la répétition d’une pièce de théâtre qui se jouera, elle, à New York. Loin d’un caprice narratif, cette idée permet au film de déployer un des plus beaux moments de cinéma vu récemment. L’acteur interprétant le père veuf, le temps d’une pause cigarette, tombe sur la comédienne censée jouer sa femme décédée. La frontière des rôles enchâssés est oubliée, pendant un magnifique temps suspendu qui permet au personnage de Schwartman d’avoir une conversation postmortem avec sa femme disparue. Nous avions, au détour d’une photo dans le cadre, vu que la défunte mère de famille était incarnée par Margot Robbie, réglant au passage la polémique de la présence des stars dans le cinéma d’Anderson : celles-ci ont parfois besoin d’être identifiées au premier coup d'œil, pour garantir l’éclat de leur apparition quelques scènes plus tard.