Certes il était difficile d'arriver après les nombreux (bons) films sur Van Gogh, mais quand même... nous pondre un machin aussi vain, petit, misérable, ils auraient pu éviter quand même.
Commençons par ce qui saute aux yeux. Caméra à l'épaule, ça tremble dans tous les sens, montage haché et contemplation au forceps : oui, on est bien dans une copie cheapos de l'esthétique de Malick. On rajoute à ça la voix-off qui déblatère sur fond noir des phrases qui se veulent grandiloquentes, et le tour est joué, ni vu ni connu. Peut-être que le chef op et le metteur en scène se sont dit que c'était incroyablement intelligent comme choix artistique dans le but de montrer la folie de Van Gogh, je ne sais pas, en tout cas c'est moche, con, vu et revu. On oublie jamais la présence de la caméra, elle est là, on sent le type qui la porte en train de suivre Dafoe, c'est nul. Surtout qu'elle n'épouse aucun point de vue : plusieurs fois d'un coup la caméra prend totalement le point de vue de Dafoe et regarde les autres personnages comme s'ils étaient devant nous, c'est incompréhensible, ça sort du film. Enfin, j’imagine qu’ils ont voulu montrer l’angoisse de Van Gogh face à l’oppression des locaux, mais c’est tellement bête comme idée de mise en scène et sans aucun rapport avec ce qui est fait le reste du temps...
On a donc un projet avec un casting rêvé (Dafoe, Mikkelsen, Isaac, Almaric dans la même film sérieux !?) au service d'une oeuvre qui se rêve immense alors qu'elle est tout petite, minuscule, insignifiante. C'est du pur gâchis.
Le film n'évite non seulement aucun des écueils des biopics, mais il n'évite également aucun des écueils des biopics de peintres. On aura donc le droit à la fiche wikipédia de Van Gogh, c'est à dire un récit sans aucun point de vue (bah oui, on a déjà tout dit sur Van Gogh, alors ces crétins ont décidé de... ne rien faire du tout).
Mais surtout, ce qui est absolument horrible avec ce At Eternity's Gate, c'est sa capacité à oublier l'existence du mot "humble". Et vas-y que je te balance :
- Au moins deux ou trois dialogues théoriques totalement basiques et bêtement didactiques sur la peinture (en gros : blablabla j'emmerde les conformistes blablabla).
- Un dialogue sur la religion avec M. Mikkelsen en prêtre (oui oui, il apparaît 5 minutes, comme bien des acteurs ultra connus du film qui ont des personnages qui passent en coup de vent pour cocher les points principaux de la fiche wikipédia).
- La discussion interminable avec le docteur à propos de sa folie.
Donc voilà, on veut parler de tout, de grands sujets, et finalement on ne dit rien. Ça me rappelle Mr. Nobody un peu. Intellectualisation de comptoir de PMU. En fait, c'est ça le gros problème de ce film : c'est ultra lourd, presque prétentieux (et dieu sait que je déteste utiliser ce mot pour décrire un film) tellement ça prétend être grand et intelligent alors que... non.
Cette lourdeur est présente également avec les scènes de "contemplation" qui occupent bien la moitié du film (sans déconner) où l'on voit M'sieur Van Gogh en train de se balader dans les champs pendant que la caméra tourne dans tous les sens et que le film décide d'utiliser un random classic music generator à base de piano et de violon (les instruments fétiches du film vraiment lourd). On est littéralement sur une communion avec la nature filmée de la pire manière qui soit. Et vas-y que j'te fous de la terre sur la gueule de Dafoe, et vas-y que j'te filme les rayons de soleil pendant que le personnage écarte les bras en souriant vers le ciel... et ces scènes n'en finissent plus punaise c'est horrible.
Et puis qui dit film de merde prétentieux dans le genre, dit personnage persécuté de manière totalement gratuite pour faire pleurer dans les chaumières et rendre digne d'empathie ce pauvre original incompris par les gueux d'Arles, vous comprenez.
Et enfin, qui dit biopic de merde dit cartons de fin pour compléter la fiche wikipédia.
Bref, j'ai adoré. Mais je vais quand même retourner voir le Van Gogh de Pialat hein.