Maya Deren trouve un nouvel espace d’expérimentation, une plage mentale puisque son personnage (elle-même) est d’abord là, étendu sur le sable, comme ayant été rejeté par les vagues, accouché par l’océan. Et c’est toute une vie qui est racontée dans son odyssée où d’une scène à l’autre, le plan donc l’espace dans lequel elle évolue, change constamment : En grimpant un arbre décharné, son corps débarque sur une table de convives ; Rampant sur la longue nappe (comme un enfant le ferait sous la table) elle entre dans une forêt de feuillage avant de devoir s’extirper d’une abrupte falaise, de s’en aller à travers des dunes, de retrouver une plage déserte. On y croise deux fois un jeu d’échec, comme si déjà, dix ans avant Bergman, la mort accordait un peu de répit au personnage. Deren trouve des idées dans chaque plan : Le plan des dunes, stoppé puis repris, mais donnant l’impression de continuité pour faire rétrécir le personnage ; Les élégantes transitions (en guise de faux raccords) entre les changements de lieux ; Et ce moment glaçant, vers la fin, où le personnage court à travers le passé, se croisant à divers moments de sa vie, dans chacune des situations que l’on vient de voir. Film-rêve, somnambulique avec ces répétitions des mouvements, succession incohérente de plans (Qui rappelle d’ailleurs beaucoup le Sherlock Jr. de Keaton que je viens de voir, c’est étrange) de façon à accentuer le trouble de personnalité constant. Très beau. Doux et tragique à la fois.