Athena
5.6
Athena

Film de Romain Gavras (2022)

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Allez bonhomme, restons-en aux clips

12 ans se sont écoulés depuis le prometteur Notre Jour Viendra. Et depuis, Le Monde Est À Toi n’aura pas vraiment fait avancer la cause Gavras, si ce n’est que l’enfant pas terrible du cinéma français délaissait déjà les petits blancs pour les racisés, appétence pour les projections démographiques oblige (ou du moins pour la vitalité qu’on leur prête puisqu’il semblait déjà accoler l’anémie parisienne aux populations des régions). Mais heureusement, cette fois, on en est sûr, il serait d’utilité publique que Gavras-Fils s’en tienne aux clips.

Romain, c’est l’histoire d’un adolescent renfrogné qui rate d’abord parce qu’il veut trop en faire avec les artifices du moment. Pour son passage chez Vidéo Club, l’ado du sérail évoquait avec fascination l’énorme verge de Christopher Nolan, superbement exhibée dans chaque plan de Dunkerque. Une verge qui n’était pas sans rappeler celle de Papa dans Z, aux origines de son complexe oedipien. Et il faut croire qu’Athéna a d’abord été pensé comme son rite de passage à l’âge adulte. Pas de quoi lui en vouloir, nous n’avons pas ce fardeau sur les épaules. Seulement le timing n’y est pas, on ne comprend pas bien à quoi sert ce débraguettage qui cache mal le néant abyssal du scénario et du propos.

C’est là où ça coince vraiment, Romain a choisi de parler de quelque chose qu’il ne connaît pas, la banlieue française. Ou plutôt il parle de quelque chose qu’il connaît beaucoup mieux, le fantasme de cette même banlieue et de sa vitalité postiche, cousue main par le microcosme parisien depuis 30 ans. Romain est, ce qu'on appelle dans les cités, un "bandeur de tess". Et puisqu’il semble décidément beaucoup aimé les verges de ses mentors, l’ambition était sans doute de compléter un triptyque avec les excellents Les Misérables de Ladji Ly et Bac Nord de Cédric Jimenez. Sauf que caramba, encore raté. On aurait apposé la BO de Requiem for a Dream en boucle sur l’intégralité du métrage que le résultat n’aurait pas été moins pathétique. C’est peut-être le plus subtil de ses caprices, mais aucun des protagonistes n’ira bien, simplement parce que Romain ne va pas bien.

Les responsabilités, une autre chose que le réalisateur-adolescent ne semble pas non plus comprendre. Pour la réalisation d’un film qui cristallise autant de tensions sociales, et pour le trouble et l’absurdité que son rendu véhicule, renvoyant dos à dos toutes les parties et leurs propres clichés (« wallah on va tout casser, on est en colère », « toc-toc-toc, c’est l’extrême droite, oh comme c’est bizarre »), on ne peut entrevoir que les options de l’imbécilité ou du vice dans l'écriture. Le bénéfice du doute nous fera opter pour la première.

Nul doute que l’émoi suscité par le pitch a suffi à faire mouiller une majorité chez Télérama. Netflix ou pas, je souhaite au film de connaître le destin des merdes françaises qui ne s’exportent pas, entre désinformation et médiocrité, l’addition n’en serait que plus salée pour notre cinéma toujours plus écorné.

SosaPietrus
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le 9 août 2023

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