La sublimation du vide

Controversé avant même sa sortie, le nouveau film de Romain Gavras est disponible sur Netflix.

Athena annonçait déjà la couleur avec un titre lourd de sens. Dans la mythologie, Athéna était la déesse de la sagesse et de la stratégie militaire, considérée comme la protectrice de plusieurs cités Grecques.

Revenu du front suite à la mort de son petit frère, Abdel retrouve sa famille pour faire face à cette tragédie. Son autre frère, Karim, animé par la haine, décide de se venger des policiers qui l’ont tué, avec l’aide de toute la cité. Une véritable guerre civile éclate entre les forces de l’ordre et la cité Athena.

Le film met principalement en avant ces deux protagonistes, chacun en quête de vérité sur cette mort, mais aussi sur eux-mêmes.

Pendant 1h30, on assiste à une sublimation de la guerre, embellie par une réalisation impeccable, dans l’esprit des précédentes oeuvres de Gavras (No Church in the Wild de Kanye West – Stress de JUSTICE). Les plans séquences sont efficaces, laissant s’échapper une impression de réel dans une mise en scène millimétrée. La fluidité des plans et des acteurs, ancrée dans un lieu qu’ils connaissent, procure une véritable sensation de réalité.

Si rien n’est à redire sur la forme, le fond laisse plus de place au doute. Son confrère Ladj Ly a réussi à soulever des problématiques actuelles avec Les Misérables : les conflits entre la police et la banlieue, l’absence de dialogue. Le réalisme de la mise en scène des Misérables nous permettait de saisir les enjeux du film. Athena provoque l’effet inverse. Le propos est éclipsé par la réalisation. La guerre à laquelle on assiste est tellement intense et inimaginable qu’on oublie pourquoi elle a lieu. On est captivé par une réalisation splendide, mais on éclipse le discours.

Concernant le casting : le film est porté par Sami Slimane, qui fait ses premiers pas dans le cinéma avec Athena. Le jeune acteur est d’une sincérité bouleversante. Dali Benssalah, déjà remarqué dans « Mourir peut attendre », dernier James Bond 007 en date et dans le clip « Territory » de The Blaze, confirme sa posture d’étoile montante. Les acteurs sont justes, attachants et sincères.

Si la réalisation fonctionne admirablement bien, c’est aussi grâce aux figurants qui gravitent autour de la caméra et qui créent cette pagaille organisée. Chacun est à sa place.

La tragédie de Gavras nous montre un monde dystopique où tout dialogue semble rompu, où la guerre semble inévitable. Une jeunesse totalement livrée à elle-même, qui n’a d’autre choix que de recourir à la violence pour se faire entendre, une jeunesse qui se fait justice elle-même.

Ce film nous met face à ce qu’on ne veut pas voir et la mise en scène très léchée appuie ce propos. Seulement, la forme peut-elle fonctionner sans fond ?