Athena
5.6
Athena

Film de Romain Gavras (2022)

Voir le film

Inconséquent... Voilà un terme qui résume l'heure et demie qui défile devant nous sans que rien ne vienne frétiller le coeur du spectateur. Romain Gavras nous avait promis une tragédie dans le sens antique du terme ; il accouche d'un clip démentiel qui vient imager la musique grégorienne de Surkin, dans un amas putassier de clichés qui s'empilent sans que rien ne viennent déjouer la prévisibilité de son récit.


Une bonne tragédie, de l'Antiquité jusqu'aux oeuvres de Racine, demeure dans la qualité d'offrir une destinée inéluctable à des personnages tourmentées pour lesquels nous avons développés des attaches fortes. Or ce film se vautre entièrement en oubliant justement ce point précis : nous raconter une histoire centrée autour de personnages forts et marquants. Karim, Mokhtar, Abdel : tous parcourent ce film sans ne jamais être réellement développer, ne reposant que sur des postures et traits de caractères qui les rendent facilement identifiables sans ne jamais transcender les lignes directrices dessinées par Gavras et Ly au moment de l'élaboration du scénario.


Pis encore : si le formalisme et l'esthétique clipesque pouvaient fonctionner durant les deux premiers tiers du films, celle-ci se perd en même temps que l'acte 3 se déclenche sur la mort d'un personnage et le changement de caractère d'un autre. Ceci révèle symptomatiquement l'échec grandiose de ce film : en cherchant à nous abreuver d'images fortes et esthétisées, Gavras en a oublié son récit, qu'il tente de récupérer au moment de l'ouverture de l'acte 3. Mais l'absence de développement pâtit sur ce même traitement esthétique, créant deux échecs en un dans ce qui aurait pu être l'oeuvre française majeure de la plateforme Netflix.


A ce double échec, car jamais 2 sans 3, s'ajoute un troisième : l'inconséquence politique de l'oeuvre. En refusant de trancher délibérément le ton politique de son film, de placer la caméra sur un regard banlieusard ou policier, le tout pour s'éviter de créer des émois comme son confrère Cédric Jimenez ou son ami Ladj Ly, le film cache cette couardise en brandissant l'épouvantail de l'extrême-droite, qui arrive dans le récit comme un cheveu sur la soupe. Dès lors, les actions des personnages que l'on suit sont vaines, tout cet embrasement de la cité dépeinte devenant simplement un défouloir prétexte à garnir nos galeries photos de potentiels fonds d'écrans dans une effusion d'effets pyrotechniques. En annonçant tôt dans le film que le meurtre du jeune Idir était potentiellement un crime sommis sous faux drapeau par un groupe gudardesque, Romain Gavras foire son retournement qui ne sera pourtant jamais préparé par la suite, sacrifiant de fait le moindre discours politique potentiellement pertinent.


Car si l'esthétisme est une composante essentielle de l'oeuvre, elle aurait pu pour autant magnifier son discours, le rendre marquant par un sens de l'image qui est indéniable à son réalisateur. Mais en refusant de trancher son point de vu sur les situations qu'il met en image, Gavras sombre dans le putassier bête et méchant, cherchant à nous surligner dans des couleurs éhontément flashy qu'il nous pond une tragédie, malheureusement en oubliant le facteur humain pourtant essentiel au langage dramaturgique du genre.


En ressort ainsi une ouverture d'une maestria technique folle, quelques plans marquants, un Dali Bensalah qui prend en ampleur dans le paysage français, mais une oeuvre tellement frustrante qu'elle en devient détestable, tant elle est un acte manqué à chaque étage de sa production.



Zaki_Choun
3
Écrit par

Créée

le 1 oct. 2022

Critique lue 20 fois

1 j'aime

Zaki Choun

Écrit par

Critique lue 20 fois

1

D'autres avis sur Athena

Athena
Sergent_Pepper
5

Le maître du haut chaos

Le chaos a toujours été la source d’une fertile jouissance : un cri de vengeance pour ceux qui y agissent, un délire de puissance pour ceux qui l’ourdissent, une fascination pour ceux qui le...

le 23 sept. 2022

132 j'aime

6

Athena
BaronDuBis
1

Damien Rieu partouze avec un petit-bourgeois de gauche et le ministère de l'intérieur...

« Athena » représente pour moi l’aboutissement culturel du centrisme, un aboutissement bien mûri durant des décennies de représentation bourgeoise et fantasmé de la banlieue. C’est extraordinaire...

le 25 sept. 2022

88 j'aime

41

Athena
Lenarines
1

On peut pas mettre zéro ?

Ce film est une merde. Voilà. Je sais même pas s’il mérite qu’on s’étale. Mais comme il est très dangereux, oui, il vaut mieux en dire deux mots. Premièrement, la vision de la banlieue et de ses...

le 24 sept. 2022

82 j'aime

43