Pas assez fun et beaucoup trop complexe pour rien

Dès la diffusion des premières bandes-annonces, Atomic Blonde pouvait se présenter comme le film du « il était temps ». En effet, il était temps d’avoir un divertissement d’action à la qualité assurée (par le co-réalisateur de John Wick, David Leitch) avec une femme en tête d’affiche. Il y a déjà eu, certes, bon nombre de titres mettant en avant un représentant du sexe fort dans ce genre de longs-métrages (Aliens étant le monument en la matière), mais quand on voit le rendu final de certains (les Resident Evil, les Tomb Raider avec Angelina Jolie, Æon Flux, Ultraviolet…), il n’est pas étonnant de voir en Atomic Blonde une sorte de renouveau de ce côté-ci. Il était également temps à Charlize Theron de porter sur ses épaules un tel projet. Elle qui s’est déjà essayée dans ce style de projet malheureusement sans succès (Æon Flux justement) avant d’enchaîner les seconds rôles dans des blockbusters spectaculaires (Blanche-Neige et le Chasseur, Prometheus, Mad Max : Fury Road, Le Chasseur et la Reine des Glaces, Fast & Furious 8). Comme si la comédienne, en parallèle de projets indépendants et à Oscars, faisait du pied à Hollywood pour qu’on lui permette de s’éclater en tant que femme d’action. Avec Atomic Blonde, il semblerait que les studios l’aient entendue et lui fassent enfin ce plaisir. Mais il est temps de commencer la critique, pour se rendre compte que le film, bien que réalisé avec savoir-faire, n’est pas celui que nous aurions pu attendre.


Ennui, déception, oubliable, soft… tels sont les mots qui vous viendront à l’esprit après avoir vu Atomic Blonde. Surtout que la promotion de celui-ci nous avait préparés à un spectacle totalement déluré et décomplexé, misant avant toute chose sur la simplicité outrancière pour plus d’efficacité. Mais, bizarrement, le long-métrage ne sait clairement pas sur quel pied danser et ce sur bien des points. Le côté fun par exemple : il répond présent avec la construction du film qui fait penser à une bande-dessinée, les réparties de son héroïne, des personnages hauts en couleur (mention spéciale à David Percival, joué par James McAvoy), l’aspect visuel qui use de néons pétaradants, ou encore la bande-son très 80’s. Et, bien évidemment, le titre ! Malgré cela, Atomic Blonde arrive à un être barbant, car se montrant beaucoup trop sérieux. Préférant se concentrer sur une intrigue d’espionnage bateau mille fois vues et des personnages archétypaux au possible, qui n’ont de complexe que leur rôle dans l’affaire (agents doubles, triples…). D’autant plus que l’ensemble joue à fond la carte de suspense alors que beaucoup de révélations sont devinées bien à l’avance tant l’ensemble transpire le classicisme. Alors que la meilleure chose à faire était de laisser la place aux séquences d’action, pour le coup étonnamment mises de côté. Surtout que ces dernières se montrent assez jouissives et superbement réalisées, comme en témoigne une très longue scène lors du deuxième tiers du titre. Une sorte de plan-séquence magistral, révélant le savoir-faire de l’équipe (réalisateur, cascadeurs…) et de son actrice principale, qui y met du sien sans aucune retenue. Cela relève presque du gâchis de voir le film se lâcher aussi peu alors qu’il avait toutes les cartes en mains pour le faire, tel un casting aux petits oignons (McAvoy, encore une fois !). Et qu’il préfère se concentrer sur quelque chose d’anecdotique comme un énième récit d’espionnage en pleine Guerre Froide (le coup de la liste d’agents secrets qui risque d’être dévoilée, même la saga James Bond l’a déjà traitée...).


Mais là où Atomic Blonde surprend l’assistance, en mal, c’est par son parti pris question narration et traitement de l’histoire. Plus concrètement, le film a été annoncé comme le penchant de John Wick, au féminin. C’est-à-dire un film d’action simple et efficace, au protagoniste principal charismatique. Avec Atomic Blonde, nous avons le personnage et l’efficacité, mais clairement pas la simplicité. Ou plutôt si, je corrige ce que je viens de dire : la simplicité du film est là (intrigue déjà vue, personnages clichés…) mais ce dernier la complexifie sans aucune raison. Outre le fait d’insister sur l’aspect agents doubles / agents triples qui peut dérouter quand on insiste trop dessus, Atomic Blonde s’acharne à casser bien des repères. Au lieu d’une narration linéaire, le scénario n’arrête pas de faire des bonds dans le temps (flashbacks, séquences parallères…). Ce qui aurait pu être utile, voire même idéal, si le film avait un script aussi ingénieux qu’Usual Suspects (une révélation finale tout simplement culte). Mais comme ici les révélations sont prévisibles et grossières, cela n’a aucun intérêt, ni de sens. Tout comme cette impression qu’a le long-métrage, quand il veut être fun, de vouloir briser le quatrième mur. Si c’était pleinement assumé, pourquoi pas ! Mais, en plus de ne se lâcher que trop rarement, l’ensemble ne va jamais au-delà de l’impression, offrant un constat pour le moins bancal et dérisoire à l’aspect d’Atomic Blonde. Un divertissement qui, pour le coup, risque de perdre bon nombre de spectateurs car se montrant beaucoup trop complexe… pour rien, vu l’intrigue simpliste qui nous est présentée !


Vraiment pas mauvais en soi, sauvé par le savoir-faire de son réalisateur dans le divertissement d’action (il suffit de voir les sublimes séquences mouvementées pour s’en rendre compte) et son casting 5 étoiles (on a également John Goodman, Toby Jones, Sofia Boutella, Eddie Marsan, Til Schweiger et Bill Skarsgård), Atomic Blonde est très loin d’être le divertissement que nous étions en droit d’attendre. Complexifiant sans raison une intrigue de base rachitique (car ce n’est pas l’intérêt principal d’un tel projet) au point de perdre le public, et n’assumant que trop rarement sa cool attitude pourtant annoncée dans sa promotion, le long-métrage déçoit. Ne fait jamais honneur au travail fait derrière. Et s’oublie très vite après son visionnage. Au contraire d’un John Wick, jouissif et décomplexé comme il faut !

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