C'est le deuxième film que je vois de Sylvain Chomet, après Les triplettes de Belleville.
L'univers qu'il dépeint est tout à fait à part, hyper original. Il m'a fait penser à celui de Jean-Pierre Jeunet, dans Délicatessen ou dans Amélie Poulain.
La mise en scène et la façon de filmer également me renvoient à Jeunet.
L'essentiel de l'histoire se déroule dans un immeuble, avec comme protagonistes les voisins, comme dans Delicatessen. Les personnages sont assez mystérieux. Il ya un appartement caché, celui de Madame Proust, qui recèle un véritable potager, dans lequel elle exerce des activités illicites.
Le personnage principal, Paul, interprété par le génial Guillaume Gouix, est muré dans le silence, depuis un trauma d'enfance : il a perdu ses parents à l'âge de deux et a été élevé par ses tantes, avec qui il vit encore, arrivé à la trentaine.
Sylvain Chomet explique pourquoi il a choisi cet acteur pour le rôle principal : "Guillaume Gouix, que j’avais remarqué sur Internet, s’imposait dans mon esprit : il a quelque chose d’incroyablement touchant dans le regard, je suis tombé amoureux de ses yeux. Guillaume me fait penser à Lino Ventura ; Ventura était extraordinaire dans les emplois comiques et Guillaume a cette même force en lui : ce n’est pas facile de faire rire quand on n’a pas de dialogues !"
Moi aussi, les verts clairs, translucides de l'acteur m'ont subjugués. Ils ont une telle transparence qui évoque la naïveté et la rêverie, autant que l'étonnement : étonnement d'être ici, étonnement de la vie (comme si telle lui tombait dessus), étonnement de ce qui lui arrive, qui bouleverse enfin sa vie.
Paul, qui subissait sa vie, qui était enfermé sur lui-même va vivre des expériences bouleversantes grâce à sa voisine Madame Proust, aventures qui vont le révéler à lui-même en faisant remonter ses souvenirs d'enfance.
Les deux tantes sont interprétées par un duo inégalable : Bernadette Lafont (dont c'est le dernier film) et Hélène Vincent. Autant vous dire, que les deux rassemblées qui semblent être des jumelles, sont hautes en couleur. De bourreaux, elles vont se transformer peu à peu en victimes.
Les décors de l"appartement, leur façon de parler, leurs petites habitudes, leurs réceptions avec leurs amis sont inscrits dans un cadre bourgeois, empesé, où rien ne doit bouger, surtout pas Paul, qui est asservi à jouer du piano, dès le matin et même toute la journée, au cours de danse de ses tantes.
Si le côté caricatural des personnages prête à rire (il, faut voir les élèves du cours de danse danser !), les personnages principaux sont dépeints avec une telle délicatesse qu'ils en sont attachants.
Anne Le Ny s'est par exemple attachée à donner beaucoup de caractère à Madame Proust avec toute sa fantaisie et sa sensibilité. C'est une amoureuse de la vie, bouddhiste, fan de yukulélé, de légumes et d'arbres, qui cherche à aider les autres à sa façon.
Je trouve que Sylvain Chomet a su laisser assez de liberté à ses acteurs pour qu'ils s'épanouissent dans leurs role et ainsi donnent de l’épaisseur à leurs personnages. Pour moi, c'est le signe d'un bon réalisateur et d'un grand metteur en scène.
En somme, ce drame comique m'a à la fois émue et fait sourire.