Le Silence du bon entendeur
« Si Jean-Pierre Jeunet avait participé à l’émission Strip-tease, c’est à ce film que cela ressemblerait. » Lorsque Guillaume Gouix, l’acteur principal du film de Sylvain Chomet, c’est avec une certaine poésie. Et il y a largement de quoi. Le premier long-métrage filmé du célèbre réalisateur des Triplettes de Belleville (2003) ou encore de L’illusionniste (2010) est à lui tout seul une part de magie et de féérie. Ce film est une comédie dramatique aux accents poétiques, jouant sur la couleur et les personnages. Dans le rôle principal, nous retrouvons donc Guillaume Gouix (Poupoupidou, Les Revenants), magnifiquement encadrés par de grandes actrices telles que Anne Le Ny et Bernadette Lafont.
Le film nous raconte l’histoire de Paul, un pianiste trentenaire qui vit toujours chez ses tantes, et dont la vie est rythmée par des journées à jouer du piano. Paul est muet ; il n’a pas d’autres passions dans sa vie que l’amour fou qu’il voue à sa mère disparue. Mais un jour, il rencontre une étrange voisine, madame Proust, qui vit dans un monde végétal et dont les tisanes servent de thérapie édifiante à ses clients. Entre eux va se lier une profonde amitié, qui aidera Paul à retrouver dans ses souvenirs une trace de sa mère, mais aussi de son père, le grand Attila Marcel.
Lorsqu’il film plait dès le premier plan, il s’annonce parfait pour la suite. C’est le cas d’Attila Marcel, dont le début est amorcé par un long plan séquence en caméra subjective. Le poète qu’est Sylvain Chomet a su trouver ses armes de fiction filmée très efficacement. L’image est d’une beauté absolue, les couleurs chatoyantes et les formes s’assemblant avec élégance. On ne peut passer à côté des nombreuses inspirations du réalisateur. Les plus évidentes sont évidemment le style coloré de Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg, Les Demoiselles de Rochefort) et l’ambiance lyrique de Jean-Pierre Jeunet (Délicatessen, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain). On retrouve aussi dans le personnage principal un air de Forest Gump.
Le personnage de Paul est intéressant pour ce que, justement, il n’a pas : une voix. L’acteur Guillaume Gouix est étonnant dans ce rôle qui est pourtant si loin de tout ce qu’il a pu faire jusque là. Ce personnage tout timide, dont le passé est brouillé par des années de neutralité, se retrouve à vivre dans un monde extraordinaire, celui de madame Proust. Sa thérapie faite de musique et de plantes a de quoi déranger, prônant en quelques sortes l’utilisation de la drogue. Mais s’arrêter à cela ne serait voir l’intégralité de l’œuvre de Sylvain Chomet. La musique est omniprésente et enivrante, la clé de la recherche du souvenir, d’un souvenir : celui de Paul, du secret qui semble être créé autour de lui.
Sur cette fable fantasmagorique règne un douloureux secret, qui se cache à travers les souvenirs de Paul. De nombreux flashbacks, rendus possibles par la tisane de madame Proust, lui permettent petit à petit de comprendre. Le spectateur est, dès le début, confronté à l’histoire d’un personnage dont il ne sait rien, car lui-même ne connaît rien de ce qui l’a fait arriver là. C’est grâce à sa voisine que le jeune Paul songera à retrouver dans son propre subconscient la réalité du pourquoi, mais aussi le secret de son bonheur.
Le film de Sylvain Chomet est un conte poétique, et lorsque la dissonance se mêle à l’élégance, il fait du silence le bon entendeur.