Quand Herman Melville s'est emparé de cette aventure, il en a fait le grand récit épique qu'attendait l'Amérique. Une œuvre dense aux thématiques fortes et aux personnages inoubliables. Aussi, raconter l'histoire qui a inspiré Moby-Dick plutôt que Moby-Dick en personne, revient à revenir à la case départ sans toucher les deux cent dollars.
In the Heart of the Ocean commence comme Interview with the Vampire ( ou plutôt "Interview with the Whaler"... ) : Herman vient troubler une soirée de beuverie comme tant d'autres de Thomas Nickelson, dernier survivant de la débâcle de l'Essex, baleinier perdu corps et biens quand il n'avait que quatorze ans. Il lui sort : "Fais péter ton histoire contre du pognon" Thomas refuse. "Contre l'absolution et la paix de ton âme..." Thomas refuse encore. "Contre du pognon !" Bon OK il accepte.
Alors il entreprend de raconter toute l'histoire, mais du point de vue d'un autre type... Owen Chase, commandant en second promis à un brillant avenir, et qui doit composer avec son capitaine, un pistonné de l'aristocratie locale, George Pollard, jr. Ils s'aiment pas, ils s'engueulent, et au beau milieu du Pacifique, leur navire est démoli par un cachalot hargneux. S'en suit un survival pauvre en calories, vu et revu, en lieu et place de la richesse du livre...
Mais à la rigueur, je ne saurais lui faire plus longtemps un procès d'intentions, car il faut admettre que Ron Howard signe son meilleur film depuis The Missing. Une mise-en-image diablement efficace, aussi bien dans le soucis du détail ( des tas d'inserts en courte focale hyper chelous viennent souligner avec minutie le quotidien des villes portuaires en 1820 ) que dans son sens du spectacle. Les scènes de chasse sont plus vraies que nature et le naufrage à couper le souffle.
Et je sais pardonner à un film d'avoir été vu mille fois quand la mille-et-unième sait se rendre impressionnante.
Il aurait sans doute gagné à durer plus longtemps, histoire de capitaliser sur le mal-être des marins dans la deuxième partie, et à soigner sa fin... En effet, on est censé comprendre que Nickelson fait enfin éclater la vérité, alors que son propre épilogue montre le capitaine et son second en faire autant à leur époque...
Ron ayant prévu une nouvelle adaptation de Dan Brown l'an prochain, je n'irai pas, mais je reste curieux de savoir où sa carrière le mènera encore...