De la lumière au bout d'un tunnel ?
Après une séquence d'ouverture vraiment excitante (parce qu'on est un peu midinette et qu'on aime les catastrophes au cinéma), Clint Eastwood nous offre une réflexion soi-disant osée sur la mort et ce qui la suit. En mettant en scène le sujet de son film comme sujet du livre de la journaliste française jouée par Cécile de France, le réalisateur se lance des fleurs et veut nous faire croire que traiter de l'au-delà, c'est prendre des risques. Il y aurait même une sorte d'omerta autour du thème : les scientifiques qui étudient la mort à travers ceux qui ont l'ont expérimentée et en sont revenus seraient ignorés et méprisés de leurs collègues, des médias, des autorités. Passons sur cet étrange postulat. Si le thème pouvait s'avérer intéressant, la réflexion d'Eastwood n'évite pas au final de se casser la gueule. Comment parler de quelque chose que personne (ou presque) n'a vu ? La difficulté n'est pas mince, et on ne peut pas se contenter de reproduire les témoignages des "survivants", qui ont vu de la lumière au bout d'un tunnel sombre, etc., vous connaissez le truc. Alors Clint nous montre des fantômes en contre-jour, sans doute les proches de ceux qui sont sur le point de passer l'arme à gauche.
Pas étonnant si, sur le point de mourir, quelqu'un voit des flashes de lumière et des images de sa famille défunte. Faut-il en déduire que mourir, c'est juste retrouver son grand-père en ombre chinoise ? un peu juste, Clint, comme explication. Au-delà (c'est le cas de le dire) de ces problèmes de fond, le scénario montre lui aussi des signes de faiblesse. Les incohérences ne manquent pas, au point que la partie française frise le ridicule. Resituons le contexte : Cécile de France est une fameuse et sexy journaliste qui présente des reportages sur France 2, une sorte de Delahousse au féminin si vous préférez. Au début du film, on apprend qu'elle pose dans une pub pour Blackberry, ce qui n'est rien d'autre que piétiner allégrement la déontologie journalistique, une aberration totale. Ce n'est pas tout : perturbée par son expérience, la journaliste délaisse l'antenne pour se consacrer à l'écriture d'un livre sur François Mitterrand (qui sera vite abandonné au profit d'un livre super polémique sur la mort). La réunion éditoriale qui préside à l'écriture vaut le détour, puisqu'on y apprend que personne n'aurait vraiment enquêté sur les secrets du président. Là encore, c'est faire fi des dizaines de bouquins sur Mitterrand et Mazarine, son cancer caché, etc. Beaucoup d'autres éléments sonnent faux, contribuant à détacher le spectateur du film, comme lorsque Cécile de France part en Suisse rencontrer une scientifique qui lui donnent tous ses cartons avec ses recherches sur l'au-delà à l'intérieur ! Un peu comme si vous vouliez écrire un livre sur les Beatles et que McCartney vous donnait toutes ses archives... sympa, non?
Les parties américaine et anglaise ne s'en sortent pas mieux, que ce soit Matt Damon qui trouve l'amour au coin d'un cours de cuisine ou bien le sort qui s'acharnent sur ces pauvres petits jumeaux londoniens de façon presque grotesque. Et comme par hasard, tous les protagonistes, du film se croiseront au salon du livre de Londres ! Si certaines scènes parviennent tout de même à émouvoir, l'ensemble reste trop bancal, plombé par des clichés et des facilités incongrues, pour mériter une place de choix dans la filmographie passionnante de Clint Eastwood. Ha, et pour finir, Au-delà m'a rappelé une bonne blague du dessinateur Gary Larson. Dans une case, un homme qui est passé près de la mort raconte qu'il a vu de la lumière au bout d'un tunnel sombre, et dans la case supérieure, on aperçoit cet homme sur la table d'opération entouré par des chirurgiens qui allument en rigolant une lampe torche en direction de sa tête.