Molloy ou l'absurde poussé à sa logique la plus extrême. Contrairement aux pièces de théâtre comme Fin de partie ou Oh! les beaux jours, qui me fatiguent un peu, les premiers romans de Beckett écrits en français sont des purs chefs-d'oeuvre d'absurde. Prenant un point de départ aberrant, Beckett ne cesse de développer des raisonnements étonnamment logiques, interminables, a priori vains et pourtant passionnants. Exemple : le personnage Molloy aime sucer des cailloux et passe cinq bonnes pages à exposer les différentes possibilités qu'il a de ranger dans ses quatre poches la quinzaine de cailloux dont il dispose pour, autant que possible, ne jamais sucer le même caillou deux fois de suite ! ou plutôt : sucer les quinze cailloux à la suite sans tomber sur un qu'il aurait déjà sucé. C'est n'importe quoi mais cette petite logique absurde est délectable à la lecture.
Mais Molloy, c'est aussi beaucoup d'humour (rarement autant ri à la lecture d'un classique !) et une deuxième partie entièrement fondé sur le rapport père-fils, issu de ceux que Beckett a entretenu avec son propre paternel. C'est mordant, encore hilarant, et très cruel. Bref, un des meilleurs romans du XXe siècle, à suivre avec Malone meurt et L'Innommable, les deux dernières parties de cette trilogie fabuleuse.