De Jia Zhangke, j'aimais déjà "A Touch Of Sin", film sur le réveil politique de la Chine des ouvriers, des classes populaires, dominés par les capitalistes de ce régime qui touche ses limites. "Au-delà des montagnes", c'est en quelque sorte un prolongement, une histoire qui continue et qui interroge la révolution économique et culturelle que la Chine et les chinois vivent et vivront dans les prochaines décennies.
Dans ce film, le réalisateur divise le film en trois période distinctes, partant du tournant du millénaire, à 2014 puis 2025. S'entrecroisent des personnages qui aspirent à mieux, à la liberté, d'entreprendre, de vivre, de partir, tout en étant cadenassés par leurs origines sociales, par leurs histoires familiales, par leurs questionnements culturels, par leurs aspirations déchues.
En deux heures de temps, Jia Zhangke aborde les difficultés de la société chinoise, cette schizophrénie qui met à l'épreuve l'identité de ses citoyens, cette tension entre le progrès, le changement, et leurs filiations. On a de l'empathie pour ces personnages dépassés par les évolutions dont ils croyaient être les acteurs, mais qu'ils, finalement, subissaient plus qu'autre chose.
Ce film pose la question du changement, des transformations de la société chinoise, mais questionne surtout sa rapidité. Il pose la question de comment, en 25 ans à peine, une personne doit s'oublier et s'adapter. C'est en ça où se film pose des questions plus larges sur nos sociétés actuelles.
A l'heure des réseaux sociaux, de l'actualité en temps réel, de la multiplication des événements traités (ou oubliés) par les médias, où une information chasse l'autre, de l'instantanéité, nous ne prenons plus le temps de digérer ce qu'il nous arrive. Tout va trop vite, nous ne prenons plus le temps, nous ne prenons plus de distance avec ce qu'il nous arrive, sur ce qui nous tombe sur la figure. Il y a quelques années, Serge Halimi proposait une réflexion là-dessus, il avait appelé son article "On n'a plus le temps". C'est tellement vrai!