Une danse enjouée, qui devient triste. Une chanson, Go West, des Pet Shop Boys (reprise du tube des YMCA). De 1999 à 2025, Au-delà des montagnes, le dernier film du Chinois Jia Zhang-Ke, défile à travers les époques et les espoirs déçus, symbolisés par ce hit des années 1990. Ce faisant, il brosse le portrait d'une certaine Chine, qui a tout sacrifié pour des rêves d'argent. Chacun y laissera des plumes.
Tout commençait pourtant bien pour Tao, institutrice, et ses amis, Jin Sheng et Liang Zi, dans leur petite ville du Shanxi, Fenyang - celle-là même où le réalisateur a grandi. Jin Sheng, nouveau riche et propriétaire d'une station-service, rêve de l'Ouest. Ses aspirations sont symbolisées par sa Volkswagen rouge, qu'il n'est pas peu fier de présenter à ses deux amis. Liang Zi, lui, est le modeste employé d'une mine de charbon, l'un des derniers représentants de la Chine ouvriériste et communiste. En 1999, tout leur semble ouvert et permis. Surtout l'amour : Jin Sheng et Liang Zi veulent tous deux conquérir de la jolie Tao. Alors qu'elle semble plus complice avec Liang Zi, Jin Sheng finit par être l'heureux élu. Parfois, une Volkswagen suffit.
Quinze ans plus tard, Tao n'est plus naïve et s'est rendu compte qu'il y avait autre chose que les apparences. Mais c'est un peu tard. Divorcée de Jin Sheng, elle ne peut rien contre le déménagement de son ex-mari, donc de son fils Daole (transposition phonétique en mandarin de "Dollar") en Australie. Cet exil programmé vers des terres fertiles en capitaux signe la fin de tous les rêves pour les personnages.
On les retrouve plus tard en 2025, Daole en étudiant paumé qui ne sait plus où il en est, son père en dépressif noyant son chagrin dans une villa avec vue sur l'océan et sa collection d'armes à feu, dont le port est autorisé en Australie. Tao, elle, est restée à Fenyang, dont les images du temple, avec sa fière pagode, représentent les derniers vestiges d'une Chine traditionnelle mise au ban. Le souvenir de son fils arraché l'habite au quotidien.
Dans ce magnifique déluge de mélancolie, une lueur : Daole goûte enfin à l'amour à travers une aventure compliquée. Mais, par ce biais, il paraît plutôt vouloir renouer, au moins mentalement, avec une mère oubliée et laissée de côté, de force, au nom de l'idéal capitaliste. Idéal qui n'a laissé que la nostalgie et les regrets à ces trois Chinois. Les Pet Shop Boys reviennent alors pour la scène finale. "Together, we will make our plans, together, we will fly so high." La chute est rude.
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