Avec Ma Loute, en compétition au Festival de Cannes, Bruno Dumont signe une comédie burlesque rafraîchissante et incroyablement drôle.
Des bourgeois consanguins, des pêcheurs cannibales et deux flics balourds à l'allure de Laurel et Hardy. Une improbable galerie de personnages qui suffit à tisser un film d'époque (l'action se déroule en 1910) burlesque absolument désopilant.
Pour cette comédie, Bruno Dumont n'a pas fait les choses à moitié : sa loufoque lutte des classes, avec, dans les rôles principaux, une riche famille dont (presque) chaque membre rivalise de fausseté et de débilité profonde, et une famille de pêcheurs prolétaires qui enlève et cuisine les bourgeois en goguette dans la baie de la Slack (Pas-de-Calais), est une réussite rafraîchissante.
Plus précisément, les "héros" bourgeois dont Dumont rit à chaque plan, ce sont les Van Peteghem : André (Fabrice Luchini), Isabelle (Valeria Bruni-Tedeschi), Christian (Jean-Luc Vincent), Aude (Juliette Binoche) et leurs enfants. Rien qu'entendre chacun d'eux parler, les voir se déplacer avec de bizarres handicaps physiques, vaut déjà le détour.
En bas de l'échelle sociale, les Brufort, pêcheurs, donc, et passeurs pour le père (Thierry Lavieville) et l'aîné, le dénommé Ma Loute (Brandon Lavieville, son premier rôle) : les deux attendent les richards en vacances qui, contre une piécette, se font porter dans leurs bras pour traverser la baie à sec. C'est de ce travail que la famille profite pour "trouver" sa pitance quotidienne.
Luchini et Binoche excellent dans leur rôle
Hélas pour ceux placés en haut de la pyramide, un improbable duo de flics, balourds et incapables, mène l'enquête. Ces derniers sont plus prompts à végéter – et à tomber dans le cas de l'inspecteur Machin (Didier Despres), obèse incapable de se relever seul après chaque chute – qu'à faire avancer le schmilblick. Et, dans ce joyeux bordel, une histoire d'amour se développe entre Ma Loute et Billie (Raph), fille (du moins, a priori) androgyne d'Aude Van Peteghem, qui ne se doute absolument pas des appétits cannibales des Brufort.
Vaste blague potache aux rebondissements nombreux, Ma Loute se révèle incroyablement jubilatoire, malgré la répétitivité de certains gags, comme les nombreuses chutes des personnages. Si le tout fonctionne aussi bien, c'est que Bruno Dumont a laissé parler son imagination et a poussé à l'excès la caractérisation de tous, bourgeois comme prolétaires.
Fabrice Luchini et Juliette Binoche sont particulièrement savoureux dans leur interprétation d'imbéciles bien sous tous rapports, argentés et décadents. Bruno Despres, l'inspecteur obèse, pousse au fou rire à chacune de ses répliques, lancées dans un accent nordiste à couper au couteau.
Trop en dire reviendrait peut-être à gâcher les innombrables et géniales blagues de Ma Loute. Une seule recommandation, donc : si ce n'est pas déjà fait, hâtez-vous dans les salles obscures pour deux heures de folie déjantée.
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