Qu'il est difficile de cerner la personnalité de Milos Forman ! Son nom est associé à jamais à la lourdeur de l'univers psychiatrique de Vol au-dessus d'un nid de coucou ou à la grâce de Mozart dans Amadeus, des films qui n'ont pas grand chose en commun. Tout au plus pourrait-on noter une odeur de désenchantement, un pessimisme lucide qui noircissent la clausule de chacun de ses films.
Au feu les pompiers, film tchèque des débuts, s'annonce sous les mêmes auspices si l'on en croit le résumé : un bal des pompiers est organisé en l’honneur des cinquante ans de service de l’un des leurs qui est très malade. En plus d’une tombola, un concours de miss est mis en place pour remettre le cadeau au vétéran, une hachette en or. Mais rien ne se passe comme prévu : les lots de la tombola disparaissent un à un tandis que les jeunes prétendantes au titre de miss beauté ne font guère preuve d’enthousiasme. A cela va s'ajouter l'incendie d'une maison qui est anticipé dans le titre spoiler proche cependant du titre d'origine « Il est en feu, ma poupée » (Hoří, má panenko) ce qui permet de supposer que le nom du célèbre footballeur Panenka connu pour son art de tirer les penaltys signifie poupée en tchèque.
Que de cruelles désillusions pour le valeureux soldat du feu dont le cadeau de départ en retraite sera un étui vide ! En fait, là où l’on s’attend à une comédie dramatique douce-amère on demeure dans le registre assez banal d’une farce avec le gag récurrent de la disparition mystérieuse des lots de la tombola qui entraîne quiproquos, suspicions et éclats de voix. La répétitivité des scènes permet cependant au spectateur français de vérifier avec un certain plaisir que notre pays n'a pas le monopole de la fauche du bien commun. Le casting pour le concours de miss Pompiers vu sur le teaser s'annonçait plus intéressant. Mais il n'y a rien d'émoustillant, croyez-moi, au spectacle de ces volontaires désignées d'office incarnées par des comédiennes non professionnelles, très gênées devant le regard de pompiers quinquagénaires, et semble-t-il très gênées aussi devant l’œil de la caméra. Non professionnels eux aussi pour la plupart, les pompiers du comité organisateur ont l'air de cousins tchèques de Cruchot, Gerber ou Fougasse. Nous sommes si proches de la série des Gendarmes de Saint-Tropez tournée trois ans auparavant que je parierais presque pour une influence lointaine. Mais le film est un peu trop académique dans sa construction et grinçant dans sa dénonciation pour nous faire vraiment rire.
Il est par ailleurs fort probable que les spectateurs tchèques aient fait immédiatement un parallèle entre ce comité organisateur dont toutes les initiatives tournent mal et leurs dirigeants du politburo tout aussi inefficaces dans leurs prises de décisions. D'autant que les pompiers reprennent la célèbre citation de Chirac en l'arrangeant un peu en mode prise de sang : « Votre maison brûle, et surtout regardez ailleurs ! ». Cette comparaison peu flatteuse est probablement à l'origine de la colère des pontes du Parti. Forman fut accusé de sabotage économique, délit passible de dix ans d’emprisonnement. Prenant les devants alors que ça commençait à sentir le roussi pour lui et que les chars soviétiques allaient s'élancer vers Prague, Milos Forman partit pour les Etats-Unis où sa carrière allait enfin décoller avec Taking off.