Balthazar spectateur et martyr des hommes. Le texte est beau, rare, désincarné, ce qui rend parfois le film difficile et peu crédible, mais dit bien la vanité de l’existence humaine : ces hommes ne font que passer dans une vie qu’ils ne chérissent pas, dans laquelle ils ont cessé de croire et qu’ils ont cessé d’aimer. Car il s’agit bien de cela : l’âne voit, pleure et s’enfuit parfois ; Marie, elle, reste et perd la foi de l’enfance. Les plus belles promesses ne seront pas tenues : le péché originel marque les âmes d’un orgueil, d’une cruauté, d’une avarice, d’un désir de vengeance qui n’ont pas leur pareil chez aucun âne du monde. De mains en mains le sort de Balthazar reste inchangé. Bresson filme merveilleusement l’exploitation : sabots qu’on imagine ensanglantés et douloureux, harnais et collier qui musellent et donnent une prise sur la bête ; la tendresse des débuts n’apparaîtra plus dans la deuxième moitié du film.
La scène finale laisse Balthazar seul, loin de l’indifférence des hommes : peut être demande-t-il lui aussi, dans le secret de son cœur, « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23, 34)