Il y a quelques temps je découvrais, fasciné, la façon de diriger les acteurs de Bresson. Cette démarche était à la fois unique et profondément déroutante, mais elle servait totalement le propos d'Un condamné à mort s'est échappé. Malheureusement, j'ai eu l'impression de voir dans Au hasard Balthazar les limites de cette méthode.
Parce que bon, j'ai beau prendre sur moi, je ne suis pas capable de croire aux scènes où les personnages sortent de leur monolithisme pour s'énerver (sur un ton monocorde) ou pleurer (en s'enfouissant le visage dans les mains et en respirant bruyamment). Leur(s) émotion(s), sans être artificielles, me paraissent désincarnées, déconnectées de la réalité. Je n'arrive donc pas à comprendre les personnages et encore moins leurs actions qui, en plus d'être montrées par bribes (est-ce là le point de vue de Balthazar ?), n'ont pas grand chose de cohérent (Marie qui s'entiche de Gérard, la descente aux enfers du père...).
Paradoxalement, j'ai beaucoup aimé l'écriture des dialogues, en particulier ceux de Marie, qui philosophe l'air de rien, avec sa petite moue contrariée. Les paroles échangées çà et là sont à plusieurs moments fines et remplies de poésie. Mais je pense que cette beauté littéraire est bien aidée par les magnifiques compositions de Schubert qui accompagne ponctuellement le sentiment de mélancolie que Robert Bresson tente de me faire parvenir.
Dire que je suis resté de marbre devant le film serait faux, car quelques idées visuelles m'ont atteint (en particulier le plan tout simple où Balthazar refuse l'eau qu'on lui offre), mais dans l'ensemble je suis très loin de l'implication émotionnelle provoquée par Un condamné à mort s'est échappé. Je pense que le nœud du problème se situe au niveau du scénario, il me semble trop complexe pour Bresson. Je crois que le réalisateur est plus intéressant quand il filme une histoire très simple, sans fioritures. Je vérifierai la validité de cette thèse quand j'explorerai sa filmographie plus en profondeur.