Il s’agit d’abord du portrait d’un couple, leur travail, leur routine, leur réalité. Le décor est posé d’emblée : leur vie est un crédit. Le minimum est déjà au-dessus de leurs moyens alors, futilement, ils s’endettent. L’achat des livres est ultérieur à celui de la bibliothèque, quelque chose ne tourne pas rond, pourtant leur monde ne nous est que trop familier.
Le synopsis est en apparence entendu : accablés par le chômage, la misère et le désespoir, nos deux personnages finissent par s’en sortir, et l’histoire se clôt par un illusoire happy-end.
Pourtant, dans ce film pas de boniments. Le mythe de l’égalité des chances et la propagande individualiste de l’ascension sociale « tirée d’une histoire vraie », n’ont pas leur place ici. Au contraire, on nous en montre les ravages.
Notre couple fait parti de ces gens qui croient qu’une chance, même sur un million, n’en est pas moins une chance probable. Même s’il est infime, le miracle de ceux qui s’en sortent existe, on le lit, on le voit dans les films, il est tiré d’histoires vraies. C’est l’espoir, c’est l’opium du peuple.
Alors, lorsque nos deux protagonistes n’ont plus que 8 000 marks et une chance sur un million de ne pas les perdre dans un casino, ils s’en vont les dépenser au casino, avec l’intime conviction qu’ils font ce qu’ils ont à faire. Malheureusement pour eux, pas de faux miracles. Lorsqu’on est pauvre, au chômage, on ne gagne pas. Cette illusion dans laquelle ils sont entretenus les poussent, d’eux-mêmes, à faire cadeau du peu d’argent qu’il leur reste, enrichissant au travers des jeux d’argent les mêmes qui sont responsables de leur misère.
La portée morale de cette oeuvre est subtile. C’est l’histoire universelle d’hommes et de femmes qui ne peuvent compter ni sur les instituons, ni sur une quelconque justice, ni (inutile de le préciser) sur les banques, ni-même sur certains de leurs confrères qui se battent eux-mêmes pour s’en sortir. Par contre, ils peuvent compter sur les gens avec lesquels ils ont partagés des choses, des expériences ou des épreuves communes. Non, on ne s’en sort pas seul au dépend des autres, on s’en sort parce qu’on s’entraide, parce qu’on se respecte, parce qu’on se soucie des autres, parce qu’on est un peu humain.
Pour l’illustrer, pas de personnalités extravagantes pleurant, criant pour signifier leur désespoir, ou pleurant, criant et rigolant pour signifier leur joie. Non, les personnages sont discrets, pudiques et froids, pourtant ils sont emplis d'humanité et de justesse. Une fragilité et une sensibilité qui leur sont propres émanent de chacun d'eux.