Au nom du père.
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Voilà un film d'une tristesse insondable, qui dépeint avec un réalisme saisissant la descente aux enfers d'un agriculteur. Avec d'autant plus de justesse qu'il s'agit, de toute évidence, d'une situation qui a été vécue par le réalisateur. Tout juste pourra-t-on reprocher à ce dernier de tirer un peu trop sur la corde du pathos, par ailleurs parfaitement maitrisé sur la plan scénaristique et mis en avant par le contraste entre les scènes qui dépeignent les jours heureux et celles, très éprouvantes, qui montrent l'état dépressif dans lequel finit par tomber Pierre Jarjeau, le personnage principal du film.
A côté de cela, le mérite principal du film est qu'il extrapole, à partir d'une situation personnelle, la transformation de la production agricole, qui passe en 20 ans, de l'artisanat à l'industrie. Avec les ravages que cela a pu entrainer sur la vie de certains agriculteurs (sans même parler de ceux exercés sur l'environnement, ce n'est pas véritablement le propos du film). Car Jarjeau se voit comme un entrepreneur et non plus comme un paysan. Sauf que dans un monde d'entrepreneurs, tout le monde ne peut pas gagner : le système est ainsi fait. Et pour ceux qui perdent, plus dure est la chute...
20 ans, c'est aussi ce qui sépare deux générations. Et l'on comprend finalement très bien, dans ce film et c'est en cela aussi qu'il est intelligent, que cette transformation aura creusé un fossé infranchissable entre deux générations d'agriculteurs. Dont les valeurs et les références sont devenues irréconciliables; à cet égard, la scène où le père de Jarjeau lui demande si il est fier de ses poulets est absolument édifiante. Tout est dit : là où la transmission se faisait, depuis des générations, de père en fils, elle est devenue tout bonnement impossible.
Et, à travers une fin de film choc, le propos apparait dans une clarté absolue. Comme tant d'autres métiers, celui d'agriculteur a littéralement volé en éclat sous l'effet du productivisme, de l'appât du gain et de la financiarisation. On croisera tout au long du film quelques uns des acteurs de ce nouveau monde : banquier, coopérative et un inénarrable commercial qui convaincre Jarjeau de s'endetter plus encore pour investir dans le poulet, afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes qu'il a déjà contactées. Une fuite en avant, qui, si elle va enrichir la plupart de ces acteurs, le conduira tout droit vers une mort lente et douloureuse.
Et, malgré une tendance certaine à faire vibrer la corde sensible, la mise en scène reste sobre et le film est bien interprété, avec une mention spéciale pour Rufus, dans le rôle du père de Jarjeau. Un film que je recommanderais volontiers, donc. Mais, attention : c'est très très plombant. A ne pas voir en état dépressif, donc !
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Créée
le 6 oct. 2019
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