Nov 2009:

Je ne connaissais pas ce film de Dino Risi. Jamais entendu parler. Belle découverte à la médiathèque Fellini de Montpellier. Un film signé Age (Agenore Incrocci) et Scarpelli ne peut pas être mauvais. Les chenapans offrent un scénario musclé de dialogues ô combien savoureux, d'une finesse d'écriture si rare que les écouter procure un plaisir d'esthète extraordinaire. Que c'est beau, nom d'une pipe de chameau vermoulu! On n'est pas là dans la beauté stylistique proprement dit (je ne parle pas italien), mais dans l'intelligence des discussions entre les personnages. Il s'agit essentiellement d'un duel rhétorique entre un Ugo Tognazzi en juge incorruptible et hautement moraliste et un Vittorio Gassman homme d'affaire véreux, corrupteur corrompu, une sorte de Berlusconi avant l'heure mais un Berlusconi intelligent et dont les manipulations apparaissent brillament conçues. Age et Scarpelli ont ce talent de faire briller leurs personnages même s'ils évoluent dans la fange.

Ugo Tognazzi dans un rôle grave et monochrome est étonnant. Délaissant grimaces et extravagances, il impose un personnage sobre qui lui permet à la fin de faire passer une vive émotion dans le regard perdu tout en maintenant sa posture droite et rigide. Un bouleversement interne magnifiquement maitrisé. Vittorio Gassman retrouve un fanfaron, mais qui aurait vieilli et tourné vinaigre, bouffant tout et tous sur son passage, un égotiste reniant père, fille, femme pour son bien-être. La dernière scène où il matérialise les cauchemars italiens du juge rappelle les personnages interprétés déjà dans "Les monstres", tout en exubérance fanatique, mais pour tout le reste du film, c'est sur une structure beaucoup plus finaude qu'il bâtit son personnage. La peur est sa maitresse. Ses actes sont les jouets de l'angoisse du vide, de tout perdre, pour une conception de la vie qu'il méprise au plus haut point. Et l'être vil cache en réalité un homme perdu. Confrontation de personnages séparés par des montagnes.

Hautement politique, ce flm est un réquisitoire féroce et vigoureux contre une certaine Italie, la post-fasciste, la cynique, l'ultranationaliste, l'affairiste, l'ultra-libérale, celle qui pollue les rivières et les esprits. Résolument de gauche, ce film est de parti pris et démontre avec brio sur la fin que tout ce que je viens d'énoncer n'est pas aussi simple que cela, que les monstres ne sont pas toujours ceux qu'on croit, qu'il n'y a pas les pûrs d'un côté et les "salops" de l'autre. Aussi faut-il y voir plus un film politique et moraliste -au sens très large et très universel du terme- qu'un film uniquement italien. Les personnages sont italiens mais ressemblent au monde entier. C'est aussi la force de la comédie italienne, son universalité, comme son intemporalité.

Amoureux des paysages dans lesquels il aime à encadrer ses personnages, leur donnant une profonde humanité en même temps qu'une triste réalité, Risi filme à merveille l'Italie. Ses personnages se promènent, même quand ils s'affrontent. J'aime son cinéma qui vit, qui n'est pas dominé uniquement par les hommes. La scène, l'environnement, le cadre ne sont pas de vains mots dans le cinéma de Risi. Cela donne à ses films une chair bien plus palpable paradoxalement.

Et quand on voit l'incroyable puissance des deux comédiens, mamma mia!
Alligator
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le 30 mars 2013

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Alligator

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