Maintenant que le cinéma français a atteint son abîme de nullité, de plus en plus de spectateurs s'en vont déterrer les films oubliés du temps jadis dans l'espoir de passer un moment moins attroce. Ils découvrent émerveillés que la plus inepte vieillerie peut désormais faire figure de masterclass virtuose. C'est le cas de cette petite production avec un Robert Dalban superbe - quel plaisir de voir cet acteur phare (mais tellement sous-employé durant sa carriere) dans un rôle important! Rien que pour lui, le film vaut le detour.
La prémisse du film etait a l'origine absolument charmante: faire le tableau pittoresque du petit monde qui gravite autour du comptoir d'un café, à travers bribes d'histoires de visiteurs et bonheurs et malheurs d'habitués, en faisant chanter à tous ces personnages le langage de la rue. L'écho des événements extérieurs retentit à l'intérieur du bistrot, et au final , la vie n'est jamais prise trop au sérieux.
Il aurait été biensur trop exigeant d'attendre de ces auteurs la tendresse d'un Pagnol ou la causticité d'un Audiard, et il s'en sortent très honorablement pour le gabarit de leur talent, mais jusqu'au troisième acte seulement. C'est alors que dans une tentative maladroite de boucler leur histoire , ils se jettent soudainement dans un psychodrame insipide au travers une imitation soudaine du style Carné-Prévert qui non seulement est complètement cruche, mais n'a plus rien à voir avec le reste du film. Resultat, ces auteurs ne parvenant pas a délivrer le potentiel de leur élégante proposition de depart, finissent par l'oublier completement pour une niaiserie aussi incongrue que balourde.
C'est bien domage car en plus du superbe Robert Dalban le film avait quelques autres atouts. Le casting est honnête : bien que ces acteurs de second ordre n'aient pas l'acabit des monstres sacrés de l'époque , ils sonnent tous mille fois moins faux les cadors d'aujourd'hui, et le spectateur en sort gagnant.
Le dialogue est agreable et engageant - juste un peu terne , car il y avait là une occasion de rendre un hommage brillant à l'argot parisien de quartier, ce que le dialoguiste n'a pas réussi à faire (biensur, comparé à ce qui s' écrit de mieux aujourd'hui, c'est du millésime).
Quant à Grangier, il fait du tres bon travail comme d'habitude et parvient à donner vie à ce petit bistrot parisien, seul décor du film.
Pour conclure, voilà une petite œuvrette méconnue qui est aujourd'hui fort plaisante à regarder jusqu'au climax du deuxième acte. Après quoi, le film s'écroule d'un coup d'un seul et redevient une vieillerie terriblement datée et oubliée à juste titre.