Peur au commissariat

Quentin Dupieux ! Par où commencer ? Disons qu'il m'a fallu du temps pour m’intéresser à ses films. Le premier film que je connais du réalisateur n'est autre que Réalité qui a eu une distribution tellement honteuse que mon cinéma a préféré conserver ce sombre étron de 50 Nuances de Grey au lieu de le mettre (il n'est pas le seul; Birdman a eu le même problème). Sinon, j'ai aussi Rubber que je n'ai toujours pas vu. Cette année, il nous revient avec Au Poste ! qui de prime abord ressemble à une comédie populaire classique du style théâtre filmé. Mais au final, malgré une introduction plutôt lente et classique, le film s'avère être une comédie vraiment créative et surprenante dans son écriture et dans sa réalisation avec humour vraiment classe.

Huis-presque clos

Au niveau de l'histoire, on est dans un huis-clos par défaut. En effet, même si la majeur partie de l'action se déroule dans le commissariat, le film se révèle surprenant dans la narration du récit de Fugain. Là, le réalisateur se lâche pour nous offrir une vision assez barrée des souvenirs et aime vraiment nous surprendre (je le trouve meilleur que Budapest qui si le film reste délirant, il n'est "que" délirant visuellement. Mais on y reviendra lors de ma critique de Budapest). Le film nous surprend aussi bien par ses audaces, certains plans intelligents (notamment le Ping Pong verbale entre Buron et Fugain après le 3e allez-retour si j'ai bien compté). Le film exprime par la réalisation le sens de l'histoire et on est toujours en train de se demander si c'est permis dans une narration classique (il débute avec l'arrestation d'un chef d'orchestre qui fait une représentation champêtre...en slip rouge ! Je trouve ça génial !). On a donc un univers qui est barré sans que ce soit à la fois barré et transgressif. Cela dit, la forme est un théâtre filmé et ...c'est un peu pour ça que j'ai vu venir de loin le twist final. Oui, je l'avais malheureusement senti venir. Mais ce ne m'a pas fait sortir du film loin de là, car les acteurs et les personnages sont tellement bien écrits qu'on fait avec. Cependant, inutile d'avoir une donnée temporelle définie.

Colombo était tatillon

Dans le rôle de l'inspecteur Buron, nous avons Benoît Poelvoorde. Je le trouve vraiment classe, moi qui avait du mal avec l'acteur il y a des années. Mais depuis Le Nouveau Testament, il a mon adhésion. Il joue certes Benoît Poelvoorde mais cela sied bien avec son personnage d'inspecteur tatillon, un peu saouler par son collègue Philippe. Ah et spoiler, quand il fume, la fumée sort de son torse (fallait dire torse Fugain, pas les seins). Je vous laisse avec ça

La victime...pardon... le suspect...pardon le "témoin" est Fugain joué par Grégoire Ludig du Palmashow. Je trouve qu'il est crédible en tant que témoin un peu surpris par des employés du poste qui sont assez étranges et perdant peu à peu le contrôle de la situation qui tourne mal.

Philippe (Marc Fraize qu'on a commencé à voir dans Problemos et le Redoutable) est un employé du commissariat qui n'est pas une flèche et a hérité du tic de langage de sa fiancée et qui va finir bizarrement. Ah et il a un œil masqué naturellement

Sa fiancée Fiona (Anaïs Demoustier) parait assez anecdotique bien que sympathique. L'actrice fait bien ressentir son coté ingénue et tendre qui donne des échanges assez étranges avec Fugain.

L'autre personnage marqué est le fils de Buron, Sylvain (Orelsan) qui est...bah comme Orelsan en faite. Cela dit, ce n'est limité que dans une seule scène. On peut donc en déduire qu'il joue volontairement son personnage qu'on a l'habitude afin de montrer un adolescent des années 90 qui a l'air paumé et /ou détaché des événements (un peu comme Mutafukaz en faite). Les autres personnages sont anecdotiques comme Champonin (Philippe Duquesne de Bienvenue Chez les Ch'ti), ou son collègue Franchet (Jacky Lambert). Ce qui est étonnant est le caméo vocal d'Alain Chabat et d'autre plus discret de Michel Hazanavicius en policier.

C'est pour ça

L'histoire en apparence simple est une série de sketchs avec comme fil conducteur l'interrogatoire). Si le début est assez lent, le film prend toutes son ampleur dès l'intervention de Philippe

A partir de là, le film part totalement en roue libre. Les images du récit raconté par Fugain sont presque un film dans le film. D'une certaine manière, on voit que Fugain possède des souvenirs bien plus chaotiques qu'on ne pourrait penser. Malgré le chaos, l'histoire se suit bien et l'humour est vraiment bien exploité. Bien qu'on a une trame tout le long, le film se permet des écarts afin de rendre la situation bien plus drôle et de voir certains points absurdes. Au final, on a l'impression de savoir comment le film se termine mais au final non. Le film continue de nous surprendre et la fin officielle n'est même pas la fin de l'histoire. Cependant, en y réfléchissant, j'ai du mal à savoir si la fin n'est là que pour qu'on nous laisse imaginer la suite ou si la fin laisse un gout d'inachevé. En y repensant, le film fait un peu écho aux anciens films tournés comme du théâtre filmé style le Dîner de Con . Bref, nous avons une comédie bien écrite qui bien qu'elle démarre lentement nous tient en haleine avec suffisamment de matières pour qu'on puisse s'en amuser.

Au violon !

Au Poste ! est au final une comédie simple en apparence mais qui se révèle bien plus inventive au final. Un huis-clos qui n'en est pas un et nous intéresse du début à la fin. Il est assez dommage que le film ne se concentre que sur le duo principal (bien que très bon) et sur le témoignage de Fugain au lieu de faire avancer plus l'histoire et certains personnages secondaires. Mais en tant que comédie française, j'ai bien rigolé. Ce qui m'a rendu prêt à tenter une autre comédie qui elle aussi était en apparence très barrée. Budapest !