C'était comment, votre dernière soirée au poste ? Moi, j'avais la dalle, et les questions étaient d'un pénible. Je m'étais fait chourer des pizzas. Faut avouer, pour avoir l'air con, j'ai pas fait mieux depuis. La flicaille avait pas voulu me recevoir au début, et, quand j'ai précisé qu'il s'agissait de deux quatre fromages et d'une quatre saisons, ils avaient plus voulu me relâcher.
Ça avait commencé avec cette ordure d'épicier du coin. Le type avait assisté à la scène, et — lorsque l'autre s'était barré avec la sauce piquante et tout le toutim — s'était foutu ouvertement de ma gueule « tu t'es fait chouraver des pizzas ». Juste au cas ou j'avais pas capté, mon con.
C'était pas encore Poelvoorde au poste, à l'époque. J'aurais pas aimé. L'aurait fallu lui rabâcher encore et encore le truc. M'aurait raconté sa vie en sus. L'angoisse. Semble y'avoir que des tordus dans son équipe, l'un manque un oeil, l'autre un genou, et j'vous laisse pas imaginer le commissaire la clope au bec dont la fumée sort de nulle part.
L'a suffit qu'un mec soit assez con pour crever devant chez lui, et l'autre buse se retrouve direct à ma place. Coincé entre le mytho et l'enfume. Au comico, tu peux sortir ta meilleure partition, mon pote, gueule d'ange ou gueule de l'emploi, ils vont tellement t'assaisonner, que j'aurai plus besoin d'huile pimentée à la sortie.
Votre dernière soirée au poste, en fait, on s'en cogne. Et mes pizzas, déjà, je dors dessus. Allez'y faire encore un saut, au poulailler du coin. Les gonzes sont gaulés comme pas deux et, même si les mecs planquent, y'a toujours de quoi grailler. Y s'peut même que vous les preniez en flag de bien bosser. Rêvez pas trop, là. Z'embaucheront pas un zoziau dans votre genre comme ça. Faut pas s'raconter des histoires non plus.