On pourrait voir Au premier regard comme un film de plus relatant des amours de jeunesse, avec pour seule originalité scénaristique de décrire la relation homosexuelle d'un adolescent aveugle de naissance. Présenté ainsi, à quoi s'attendre de plus qu'un (bon) petit film oublié à la fin de l'été ? On pourrait également s'attendre à un discours mielleux et pas forcément captivant, agrémenté de quelques lieux communs sur l'homosexualité. Mais cette description est pour le moins éloignée de la réalité.
Car derrière ce synopsis de téléfilm du dimanche se cache une œuvre d'une grande justesse. Justesse qui s'exprime dès les premières minutes, à travers la découverte de Leo et Gi, sa meilleure amie ; les échanges, simples sans tomber dans la niaiserie, les rendre immédiatement attachants. On prend plaisir à écouter ces personnages qui paraissent déjà si authentiques. Justesse aussi dans le traitement des questions abordées. Pour quiconque verrait le film sans savoir de quoi il est question (peu probable certes, mais c'est pour l'idée !), l'homosexualité n’apparaît pas tout de suite comme un des thèmes principaux. L'arrivée de Gabriel et la relation amicale qui se construit avec Leo met bien sur la puce à l'oreille, mais l’on est loin de l'image efféminée qui y est souvent associée. La relative lenteur du rythme permet de traduire avec fidélité l'apparition de leurs sentiments, traversée de craintes propres à la période de l'adolescente.
La réussite vient peut-être de l'équilibre trouvé avec les autres problématiques, liées à la cécité (blagues potaches des camarades, besoin d'autonomie que ses parents ont du mal à assouvir, etc.). Un handicap important qui n’est pourtant pas exagéré : à aucun moment Daniel Ribeiro ne cherche à provoquer une forme d’apitoiement sur le sort de Leo. Paradoxalement, c’est ce qui le rend de mon point de vue aussi attachant. Il ne manque d’ailleurs pas grand-chose par moment pour l’oublier, en voyant le bonheur qu’il peut éprouver. Là est surement le plus beau message : rien n’empêche de vivre une belle histoire d’amour, quels que soient les potentiels handicaps. Ainsi, la découverte de son homosexualité – mais surtout de l'amour finalement – se fait loin de tout critère physique. Certaines scènes peuvent apparaître comme idéalisées, trop parfaites (notamment la déclaration finale), mais elles n'enlèvent rien à la beauté du film.
Cela serait gâché si la mise en scène ne suivait pas – et pour un premier long-métrage, la crainte est légitime. Heureusement, aucune déception sur ce point. Au contraire, les plans fixes régulièrement employés (tels que sur l'affiche) semblent arrêter le temps, pour se concentrer uniquement sur les personnages et les émotions qu'ils transmettent. Pour le reste, la réalisation est à l'image du film, tout en simplicité. Mention spéciale, pour conclure, à la bande son parfaitement adaptée à l'atmosphère et qui rend l'histoire d'autant plus sincère. Le morceau de Belle & Sebastian (qui titre cette critique) acquiert ainsi une grande intensité une fois réécouté à la fin du film.