La glace à la vanille qui ne fait pas grossir
Le pitch ne casse pas 3 briques à un canard, comme aurait dit une copine à moi. On ne s'attend pas à des rebondissements de dingue ou à un scénario alambiqué. On n'y va pas non plus pour ça, d'ailleurs.
J'avais vu le court métrage il y a quelques années. Quand je suis tombée sur la bande annonce, un peu par hasard, j'ai tout de suite repensé à ces 17 minutes envoûtantes, à la fraîcheur des jeunes acteurs et à la douceur de cette histoire peut-être trop parfaite - mais ça fait tellement de bien, des fois. Inquiète de savoir ce que le réalisateur avait à raconter de plus, tant le court semblait un bon format, le trio d'acteurs identique à celui du court m'a rassurée. Car ils marchaient bien ensemble, ces trois là. Et ce sont eux qui portent ce film et en font cette bouffée de fraîcheur là où il y aurait pu n'y avoir que maladresse et ennui.
Le film a rajouté le monde autour de ce trio. Quand les trois jeunes du court évoluaient entre l'univers scolaire et la maison sans parents, les trois plus vieux du long y sont confrontés. Les éternels moqueurs auteurs de mauvaises blagues à l'école cassent le côté trop rose bonbon. De même, la place des parents trop protecteurs - mais peut-on leur reprocher de s'inquiéter pour un enfant aveugle qui ne demande qu'à faire comme les autres- apporte une autre piste de réflexion, même si elle reste en filigrane, puisque la véritable histoire reste celle des trois adolescents.
Le film ajoute des enjeux. Pratiquement toutes les scènes sont reprises, certaines à l'identique, d'autres gagnant en intensité. Dans le court, les enfants ont 12,13 ans. Dans le film, 15,16. L'adolescence, encore, mais à l'âge où l'on veut s'affirmer, l'âge où la sexualité prend plus de place. L'âge où l'indépendance, la liberté deviennent importants même si le cocon familial, aussi étouffant soit-il, reste le lieu des repères. Giovanna et Gabriel incarnent à eux deux toute l'ambivalence de l'adolescence.
Giovanna, l'amie fidèle, l'amie d'enfance. La présence rassurante, la normalité. Elle couve et protège Leo, entrant sans vraiment s'en rendre compte dans le jeu des parents qui s'inquiètent toujours pour lui. Elle ne lui tend jamais de piège, ils se connaissent tellement bien qu'aucun des deux n'a plus de secrets pour l'autre. Plus de surprises, non plus.
Gabriel, le nouveau. Le souffle d'air frais. Celui qui oublie que Leo ne voit pas, celui qui l'emmène au cinéma et lui raconte le film. Celui qui l'entraîne toujours plus hors du cocon familial, vers la nouveauté, la liberté. Le mystère et les non-dits aussi. La peur d'être différent. La joie d'aimer. Il prend sa place, un instant toute la place, dans la vie de Leo.
Il y a cette histoire de place, ce triangle amoureux qui est très bien géré. J'ai beaucoup aimé la métaphore de l'éclipse. Cette façon de dire que, comme dans ce phénomène, si un astre en cache un autre ce n'est que temporaire. L'amitié est là. Il faut juste apprendre à la gérer. Quand l'amour arrive chacun doit retrouver ses marques, sa place. Combien d'amis avons-nous perdus à cause de leur nouvel amour - ou du nôtre ? Il y a pourtant autant de façons d'aimer que de personnes à aimer. Il suffit de trouver la bonne.
Au final pas une minute de trop dans ce film adapté du court. Un moment doux et frais comme un cornet à la vanille que l'on déguste pour ne pas en perdre une miette, où l'on attend tout de même impatiemment le dernier petit bout en chocolat si délicieux, et qui donne presque envie d'en reprendre un autre de suite, tant la sensation est agréable.
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