Adieu
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Difficile aujourd'hui de retrouver le cinéma français que l'on aime derrière le masque sous lequel on l'a caché depuis plusieurs années. Car celui qui m'affirmera sans sourciller qu'il s'y retrouve, de nos jours, dans l'offre rance et grotesque de la comédie indigne et honteuse, je ne le croirai pas. Ce serait comme affirmer que l'on prend plaisir à visiter un champ de ruines. Même si de timides pousses de plantes éparses se développent parmi les décombres, comme La Mécanique de l'Ombre, Mon Garçon ou encore L'Amant Double, que reste-t-il ?
Les thuriféraires habituels répondront sans doute "Et 120 Battements par Minutes, tu l'oublies ?".
Oui, sans regrets.
Albert Dupontel semble donc surgir de nulle part dans un tel contexte, lui qui est issu de la comédie déglinguée, et surtout aux commandes d'un tel projet qui semble être à des années lumières de ses thèmes de prédilection. Car la grande fresque historique et riche que semble être Au Revoir Là-Haut, le temps de sa scène inaugurale, n'est là aussi qu'un masque. Car Albert fait encore une fois évoluer sous l'oeil de sa caméra les outcast, les laissés pour compte cousins de Roland, le héros d'Enfermés Dehors, Le Vilain, ou encore le Bob de 9 Mois Ferme. Difficile à croire dans un premier temps, tant cette scène prend aux tripes quand elle se focalise sur un immonde salaud, ses ordres imbéciles et les morts qu'il cause.
Au Revoir Là-Haut s'intéresse au temps de l'après, au cours d'un interrogatoire en Afrique du Nord, au temps du retour dans un pays à qui on a tout donné et qui nous ignore pourtant. L'occasion de présenter à l'Histoire un portrait assez peu flatteur et ironique dessiné par la bassesse, l'absurdité et les petites arnaques qui permettent de vivoter. Tiré d'un fait authentique, le film de l'ami Albert, qui semble un peu assagi, mais à peine moins poil à gratter, dépeint un Paris entre deux eaux, cachant un masque de mort protéiforme qui grogne pour s'exprimer, ou dit merde par ardoise interposée. Mais qui finalement, s'avère "bienveillant" malgré l'escroquerie qu'il monte sur pied.
La facture est classique, feuilletonesque, elle apparaît plus d'une fois luxueuse. Elle rappellera le Jean-Pierre Jeunet d'Un Long Dimanche de Fiançailles. Albert y fait merveille. Devant la caméra, en interprétant le Monsieur tout le monde comme point d'ancrage du récit. Derrière la caméra, en chérissant son personnage principal changeant, gueule cassé sans visage qui dessine des monuments aux morts tombés pour la France, comme celui dont il a pris l'identité pour rompre les liens de son passé. Tour à tour presque abstrait, caricatural, naturaliste plumeux ou de papier pour un roi de la savane, le masque est l'expression de l'état d'esprit de celui qui se cache derrière, tour à tour tragique, déchirant, touchant ou animé par la vengeance.
Mais s'il y a bien une chose sur laquelle un masque ne pourrait mentir, c'est bien sur ce qui se reflète dans les yeux de son porteur. Sur son passé et la relation face au père, compliquée, évoquée le temps d'un flashback pudique qui en dit bien plus que les verbiages habituels.
Il ne pourra pas plus mentir sur les larmes qui roulent le temps d'une étreinte, d'une déclaration, d'une reconnaissance. Les sentiments ne peuvent être cachés. Tour à tour lyrique, mélancolique, ironique, poétique, Au Revoir Là-Haut représente sans doute l'apogée de son réalisateur, un peu moins trublion, mais qui, en creux, prend l'après Première Guerre Mondiale pour continuer à parler de notre époque.
Le masque est encore ici. Albert semble s'en séparer pour se mettre à nu dans une oeuvre délicate, émouvante et magique.
Behind_the_Mask, des yeux sans visage.
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le 25 oct. 2017
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