Le film se déroule dans une maison de redressement pour jeunes femmes. Maria y entre pour un larcin mais ne vit que pour ses retrouvailles futures avec Pierre, l’amour de sa vie, qui, elle en est persuadée, lui écrira et parviendra à la tirer de là. Le film s’amuse de leur connexion, relayant les pensées de l’un vers l’autre, c’est plutôt mignon. En parallèle il y a la vie carcérale dans le dortoir. Les moments de repas, ceux au lavoir. Les filles qu’on punie au trou pour avoir tenté de s’évader, celles qui lancent des grèves ou celles qui au contraire ont pleinement accepté leur sort. Si Duvivier parvient à y insuffler beaucoup de vie, notamment à exploiter les caractères bien trempés de nombreuses d’entre elles, leur histoire respective, les dialogues signés Henri Jeanson sont souvent trop cinglants et la lourdeur de leur ton enferme le film dans une dimension trop théâtrale.
Néanmoins il compense par sa densité. D’abord en nous plongeant aussi au cœur du système pénitencier, aux côtés de ces femmes qui s’affrontent par leurs différences de méthodes : Le film s’ouvre d’ailleurs sur le décès soudain de la directrice, une vieille femme juste et humaine, frappée d’une crise cardiaque, mais qui semble plutôt avoir été empoisonnée par celle qui sera sa remplacente et qui sera autrement plus tyrannique et cruelle, misant son va-tout sur l’humiliation de ses pensionnaires. Ensuite, Au royaume des cieux a l’idée à la fois très réussie plastiquement mais sans doute trop symbolique (la tempête dans la tempête) de l’accablement climatique avec le crescendo des fortes inondations qui assaillent la région, offrant de jolies scènes qui peuvent rappeler Murnau. Bref, le film est assez beau, par moment. Et si la révolte manque un peu de panache, d’émotion et d’équilibre, il y a de l’idée.